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mardi, 23 janvier 2018
Deux livres sur l’approche énactive en sciences cognitives

J’ai commencé l’année 2018 sur ce blogue en décrivant certaines expériences bien concrètes qui, tant au niveau du fonctionnement du neurone que du cerveau dans son ensemble, remettait en question des conceptions établies. Mais les sciences cognitives, comme toutes les sciences, ont aussi besoin de s’inscrire dans des cadres théoriques et de définir certains concepts pour être fécondes. Et donc des débats philosophiques émergent forcément à ce moment-là. C’est à ce niveau que l’on se situe dans le billet d’aujourd’hui.

Mais comme je recommence mes activités régulières comme bien des gens cette semaine (dans mon cas des cours à l’UTA comme la session dernière), ce qui me laisse moins de temps pour écrire, je me contenterai de vous signaler la parution de deux ouvrages récents en philo des sciences cognitives. Deux ouvrages que je n’ai pas eu le temps de lire encore, d’où ce billet en guise de «to do list»…

Les deux livres concernent l’approche énactive mise de l’avant à partir du début des années 1990 par des pionniers comme Francisco Varela et Evan Thompson. Devenue un programme de recherche important en sciences cognitives contemporaines, il n’est donc pas étonnant de voir apparaître des ouvrages entiers qui lui sont consacré.

Le premier, sorti l’été dernier, s’intitule « Sensorimotor Life. An enactive proposal. ». Il est écrit par Ezequiel Di Paolo, Thomas Buhrmann et Xabier Barandiaran. Di Paolo a contribué à raffiner le concept d’autopoïèse proposé par Varela et Humberto Maturana dans les années 1970, une définition opérationnelle du vivant au cœur d’une certaine façon de voir la cognition incarnée (celle de la thèse de la continuité entre la vie et la cognition défendue par Evan Thompson dans son ouvrage Mind in Life, par exemple).

Di Paolo et ses collaborateurs destinent leur ouvrage tant aux étudiant.es qu’aux chercheur.es en offrant ce qui semble être de larges considérations sur la cognition vécue et incarnée, celle qui nous engage à chaque instant dans notre vie de tous les jours.

De leur côté, Daniel Hutto et Erik Myin dans leur ouvrage « Evolvin enactivism. Basic Minds Meet Content. » paru lui aussi au début de l’été, semblent viser davantage la communauté des chercheur.es en sciences cognitives, en particulier les philosophes de l’esprit. Ces auteurs s’inscrivent dans le courant d’interprétation radicale de l’énactivisme, c’est-à-dire qu’ils défendent l’idée que des formes de cognition peuvent exister sans qu’on les associe, en gros, à du contenu sémantique (provenant des formes communes et publiques de nos représentations langagières). On le voit, on rentre ici très vite dans les détails techniques de ces débats philosophiques qui peuvent devenir très pointus et passablement abstraits.

C’est également le cas de cette recension de l’ouvrage écrite par Evan Thompson sur le site web académique Philosophical Reviews. Thompson peut être très clair dans ses bouquins, même quand il écrit sur des sujets complexes. Mais j’avoue ici que, n’ayant pas lu le bouquin en plus, sa critique plutôt sévère du bouquin de Hutto et Myin n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de très « grand public ». Encore que, un passage comme celui-ci résume fort bien l’approche énactive :

“The enactive approach is a cognitive science research program based on two interconnected pillars (see Varela et al. 1991; Thompson 2007; Di Paolo et al. 2017). One pillar is the rejection of the representational theory of mind, the emphasis on the dynamics of agent-environment sensorimotor coupling, and the thesis that embodied interaction is constitutive of cognition. The other pillar is the concept of biological autonomy. The basic idea is that living beings generate and maintain themselves. Stated more abstractly, an autonomous system is a self-generating and self-sustaining system. The theory of autonomous systems takes living systems as the paradigm and focuses on explaining the emergence and constitution of individuality, agency, and functional and behavioral norms. The theory of agent-environment coupling focuses on explaining cognition. For an account to be « enactive » in the full and precise sense of the term, it must include both theoretical projects. In contrast, both ecological dynamics and the sensorimotor contingency theory of perception (sometimes called « sensorimotor enactivism ») focus only on the sensorimotor coupling part of the story (and, as Hutto and Myin note, the sensorimotor contingency theory has often been presented in a representationalist way).”

J’avoue que toutes ces considérations philosophiques, en anglais de surcroît, peuvent laisser un peu perplexe le public « débutant » de ce site web qui aspire en donner « à tous les niveaux » ! Mais une fois n’est pas coutume, et en attendant le retour prochain de quelque chose de plus léger ou intrinsèquement multi niveau comme avant les Fêtes, vous pouvez retourner au cours #1 de ma série de la session dernière, celui que je donnerai vendredi dans une autre UTA où l’on commence bien tranquillement à construire sur ce qu’est un atome, une molécule, une chaîne de molécules organique, une cellule vivante, une…. Oups, une cellule vivante… C’est pas si simple à définir… Et ça nous ramène à l’autopoïèse dont on parlait plus haut ! Y’en aura pas de facile… 😉

Dormir, rêver... | Comments Closed


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