Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré tous nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 17 novembre 2014
Notre corps-cerveau n’est pas un ordinateur

Cinquante ans de métaphores avec l’ordinateur pour expliquer le cerveau et l’esprit humain, ça laisse des traces. Des traces pas mal néfastes que les sciences cognitives du XXIe siècle voudraient bien repousser loin, très loin en arrière-plan de leur cadre théorique de recherche. C’est le propos défendu par trois chercheurs espagnols de ce que l’on appelle maintenant la « cognition incarnée » qui s’expriment dans un très élégant et convaincant petit vidéo d’une quinzaine de minute (premier lien ci-bas).

Produit cette année dans le cadre du cinquième « Scientific Documentaries Script Writing and Production Workshop of the University of Zaragoza », le vidéo met par exemple en scène Ezequiel Di Paolo, qui avait présenté Evan Thompson lors de sa conférence « Mind in life and life in mind » à San Sebastian en 2011 (accessible par le 3e lien au bas de ce billet).

Thompson qui, dans son livre « Mind in life », remonte aux origines de la vie pour proposer l’idée, également défendue dans ce vidéo, que ce qui a de la signification pour nous ne peut provenir que du fait que nous avons un corps à maintenir en vie. C’est l’exemple de la bactérie qui remonte un gradient de glucose dans une solution aqueuse. La molécule de glucose n’a pas de signification en soi, mais elle en acquiert une comme aliment pour la bactérie parce que celle-ci a les enzymes qu’il faut pour en extraire de l’énergie. C’est tout le contraire des approches classiques en intelligence artificielle où l’on est obligé d’ajouter bien artificiellement une commande « motivation » pour que le robot se sente concerné par le monde…

C’est aussi ce que Di Paolo et ses collègues veulent dire quand ils affirment qu’agir c’est « répondre à une invitation du monde ». Et de rappeler que la meilleure façon de connaître ce monde, donc d’apprendre, c’est de s’engager dans l’action. Car non seulement notre corps-cerveau forme un tout indissociable, mais ce corps-cerveau apprend en étant situé dans un environnement précis et en en tenant compte constamment. Bien sûr, nous pouvons, nous, les êtres humains avec notre gros cortex associatif et nos multiples mémoires, rejouer ensuite sans bouger, en « off line », ce que l’on a appris en « on line ». Ce qu’on appelle couramment réfléchir, quoi. Mais ce que l’on sait aujourd’hui, on l’a appris en interagissant avec l’environnement hier.

Ou encore, pour le dire comme Francisco Varela citant le poète Machado : « il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ». Riche métaphore qui détruit au passage l’idée d’un monde extérieur qui serait indépendant de notre corps et ses sens particuliers. Ce monde extérieur dont il suffirait de manipuler intérieurement les représentations symboliques avec des règles logiques pour commander ensuite à nos muscles de l’exécuter, bref ce schéma classique du cerveau vu comme un ordinateur traitant de l’information ne tient plus la route, martèlent les tenants de plus en plus nombreux de cette cognition dite incarnée.

Celle-ci devra être multidisciplinaires (ou ne sera pas ?, pour reprendre une vieille formule…) pour s’attaquer à nos comportements sociaux les plus complexes et nos pensées les plus abstraites dans ce nouveau cadre théorique. Et c’est justement ces défis qu’explore l’ouvrage collectif intitulé « Enactive Cognition at the Edge of Sense-Making: Making Sense of Non-sense”, coordonné par Massimiliano Cappuccio et Tom Froese, qui vient tout juste de paraître (2e lien ci-bas).

* * *

Sans pouvoir être associé à ce mouvement, Henri Laborit (1914-1995) n’avait eu de cesse d’insister sur le fait que : « la seule raison d’être d’un être vivant, c’est d’être, c’est-à-dire de maintenir sa structure. ». Il était également un pionnier de l’approche multidisciplinaire à une époque où l’on ne jurait encore que par les spécialistes, comme j’avais tenté de le rappeler dans un cours de l’UPop Montréal (3e lien ci-bas). Si je fais ces liens avec Laborit (et que je parle au « je »…) c’est pour signaler que je mettrai en onde un site web qui lui sera consacré vendredi prochain le 21 novembre 2014, date où il aurait eu 100 ans. Je n’en dis pas plus pour l’instant, question de créer un petit suspens (!), mais je vous en reparle plus en détail lundi prochain.

i_lien The embodied mind
a_lien Enactive Cognition at the Edge of Sense-Making: Making Sense of Non-sense
i_lien La difficile mais nécessaire multidisciplinarité

L'émergence de la conscience, Le corps en mouvement | Comments Closed


Pour publier un commentaire (et nous éviter du SPAM), contactez-nous. Nous le transcrirons au bas de ce billet.