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mardi, 12 décembre 2017
A Capella Science : les délires géniaux de Tim Blais

Ça y est, le temps des Fêtes arrive et avec lui tous les airs de Noël qu’on connait bien et qu’on entend partout. Loin de moi l’idée d’assombrir votre cœur d’enfant qui « tressaille d’espérance » en imaginant le petit renne au nez rouge conduisant dans le ciel le chariot du père Noël, mais avouons que d’un point de vue scientifique, ça ne fait pas très sérieux…

« Ben quoi, c’est la « magie de Noël » et tu ne t’attends tout de même pas à ce qu’on t’explique la gravité dans une chanson, non? », me rétorquerez-vous pensant avec raison me clouer le bec. Car bien sûr, personne ne s’attend à se faire expliquer la force gravitationnelle dans une chanson. À moins de connaître « A Capella Science » et son auteur, Tim Blais.

Alors là, non seulement vous pouvez vous attendre à vous faire expliquer sur la mélodie d’une chanson à succès la gravité, le boson de Higgs ou la théorie des cordes, mais c’est souvent 10, 20 ou 40 Tim Blais qui vont vous chanter l’explication en même temps ! La démarche de Blais est si créative et originale que seul un type avec un parcours semblable au sien aurait pu l’imaginer. Issu d’une famille de Hudson, près de Montréal, où la musique était aussi présente que les épisodes de « Bill Nye, The Science Guy », Blais a toujours oscillé entre les deux. C’est ainsi qu’en 2012, alors qu’il complétait sa maîtrise en physique à l’université McGill, il a senti le besoin de revenir vers la musique.

Cela a d’abord donné « Rolling in the Higgs » une première vidéo pastichant la pièce d’Adele « Rolling in the Deep« . À l’époque, on venait d’annoncer la découverte de la fameuse particule élémentaire, l’une des clefs de voûte du modèle standard de la physique des particules.

Mais c’est un an plus tard (bien qu’il l’ait commencé avant « Rolling in the Higgs ») que Blais va sortir un véritable chef-d’œuvre salué par de nombreux médias : « Bohemian Gravity! », inspiré dans les moindres détails de la classique « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen.

La pièce de 8 minutes, qui a été vue par plus de 3 millions de personnes, réussit le triple tour de force de non seulement nous donner une idée de la théorie des cordes, l’une des plus abstraites et flyées de la physique théorique contemporaine, mais en même temps, mine de rien, de nous offrir cette explication formules à l’appui avec un texte qui colle à la virgule près aux paroles originales et avec un arrangement a capella où les innombrables voix sont toutes chantées par Tim Blais ! D’autres tentatives ont été faites pour essayer d’expliquer la science en musique, mais le travail de Blais est dans une classe à part, aussi magnifiequement complexes que les notions qu’il réussit à évoquer.

Bon, d’accord, c’est bien beau toute cette physique mise en musique, mais c’est quoi le lien avec un blogue de science cognitive ? C’est que le type s’aventure aussi dans d’autres disciplines des sciences de la vie plus familières aux assidu.es de ce blogue avec autant d’aisance, de rigueur dans les explications et de créativité dans la forme ! Prenons par exemple son récent pastiche de « Despacito », du hit de l’année de Luis Fonsi qui devient ici « Evo-Devo » une envolée aussi langoureuse que la vidéo originale, mais qui raconte ici la danse incessante entre le développement d’un organisme et l’évolution qui a mené jusqu’à lui !

Celui-là j’avoue, j’ai été obligé de l’écouter plusieurs fois pour en comprendre toutes les subtilités. Et je ne peux résister au plaisir de partager ici avec tous les « nerds » en biologie tombés sur ce billet un extrait des explications à la fois très punchées et imagées d’un sujet qui, à première vue, n’est pas évident à vulgariser.

« Evo-Devo
Looking at the logic in the ways that we grow
Every gene directed by a signal key code
Proteins that can activate, enhance or veto
Evo-Devo
Signals are controlled by other genes that signal
Calculating in a network labyrinthal
Where the heart and liver and the hands and feet go
[…]
Evolution and development amigos
Evo-Devo
Signals trigger patterns of complexity so
Switching up the switches of a signalling node
Gives a modular and simple way to evolve
Look at how our spinal segments generate a neat row
Built on a molecular clock
One cycle, one vertebra
One vertebra one vertebra baby
Speeding up its rate is snakes’ developmental cheat code
That and where a lizard’s feet grow
They turn off distal aminos
Evo-Devo
This is how we go from single cells to people
Every generation and in life primeval
Life in variations endless and beautiful”

Mais bien sûr, il faut écouter la vidéo avec la musique (toujours entièrement faite qu’avec sa voix, on l’oublie trop vite tellement cela « sonne » comme la pièce originale…).

Ah et puis tiens, une dernier pour la route, peut-être son plus ambitieux sur plan visuel en toute cas. Car dans « CRISPR-Cas9 », parodie de “Mr. Sandman”, on le voit jusqu’à 40 fois en même temps en train de chanter différentes pistes ! Et que nous explique-t-il cette fois sur le classique de Pat Ballard ? Rien de moins que la dernière technique de manipulation génétique qui permet, avec une précision inégalée jusqu’ici, d’aller reconnaître un gène spécifique dans tout le matériel génétique d’un individu pour éventuellement le rendre inactif, le remplacer, etc.

Si vous voulez avoir une idée du travail de moine qu’il y a derrière une telle vidéo, vous pouvez aller voir ce « tutoriel » que Blais a réalisé pour expliquer un peu sa méthode de travail en se servant comme exemple de la pièce « CRISPR-Cas9 ».

Comme il le disait dans une entrevue, suivre ses multiples passions sans nécessairement les croire mutuellement exclusives peut vous apporter beaucoup de satisfaction et de plaisir. Et peut aussi en donner à beaucoup de monde, me permettrais-je d’ajouter…

D’ailleurs n’est-ce pas souvent là, à la frontière de deux disciplines scientifiques, que des théories audacieuses apparaissent régulièrement ? Tiens, la mélodie de « Evo-Devo » me revient soudainement en tête… 😉

 

p.s. : J’ai découvert le travail de Tim Blais il y a quelques jours à peine et je n’ai pas encore eu le temps de parcourir tout son répertoire et ses projets (pour un aperçu de ceux-ci, voir cette vidéo récente), mais je sens qu’il y a encore des perles rares qui m’ont échappées, comme cette dernière découverte ce matin intitulée « Entropic Time (Backwards Billy Joel Parody)« , où il expose ce mystère de l’entropie (ou désordre) qui va croissante avec la flèche du temps. Et la vidéo, montrée entièrement à reculons, illustre de manière loufoque comment le contraire serait tout aussi étrange…! Et si vous voulez savoir comment les paroles de la chanson peut tout de même être synchrone avec les lèvres de Tim malgré le reculons, je vous laisse écouter le « Making Of « Entropic Time«  ». Vous ne devinerez jamais ce que ce génie fou (ou ce fou génial ?) a fait…

Le bricolage de l'évolution, Le développement de nos facultés | Comments Closed


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