Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 10 janvier 2022
Les 20 ans du Cerveau à tous les niveaux : du site web au blogue, des conférences au livre !

J’avais prévu écrire ce billet il y a plusieurs semaines. Et puis il y a eu cette 5e vague qui est venue encore une fois nous compliquer la vie et nous saper le moral. Alors je me suis demandé si ce billet était encore approprié dans les circonstances… Et puis je suis tombé vendredi dernier sur ce beau texte de Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, qui se terminait ainsi :

« Il faut certes continuer de nous protéger : santé physique, mais aussi santé mentale. Il ne faut pas cesser de vivre : il faut bouger, prendre l’air, parler à celles et ceux qu’on aime, se détendre, s’amuser, être indulgents pour nous-mêmes comme pour nos proches, développer une tolérance à l’incertitude. Et surtout, surtout, rappelons-nous que tout ça aura une fin. Même si, en temps de crise, tout paraît urgent, je préfère, à l’instar d’Edgar Morin, me rappeler qu’« à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on oublie l’urgence de l’essentiel ». »

C’est dans cet esprit que j’ai finalement écrit ce billet. Car si l’on espère que 2022 sera enfin l’année où l’on pourra sortir de ce brouillard pandémique, il est déjà clair pour moi que ce sera en tout cas une grosse année du côté de mon travail en vulgarisation scientifique. À commencer par le 20e anniversaire de ce site web que je souligne donc aujourd’hui ! Et en allant, de plus en plus au cours de l’année, vers la réalisation d’un artéfact d’une autre époque dont je vous parle un peu plus bas…

Le site web

C’est donc il y a exactement 20 ans, en janvier 2002, que je commençais à construire le site Le cerveau à tous les niveaux ! Quelques mois plus tard je publiais le premier thème intitulé « Du simple au complexe », avec un sous-thème sur l’anatomie et un autre sur les fonctions des cinq niveaux d’organisation que j’avais défini pour le site, soit le moléculaire, le cellulaire, le cérébral, le psychologique et le social. Et pour chacun je déclinais l’information en trois niveau d’explication : débutant, intermédiaire et avancé (cliquez ici pour agrandir le poster qui détaille tout ceci). C’était la contrainte que je m’étais donnée, celle d’inclure dans la navigation même du site un dispositif interactif pour que les gens puissent explorer leur cerveau « à tous les niveaux ». L’idée était bonne, je crois, car on m’écrit encore aujourd’hui pour me le signifier. Mais je m’étais en même temps embarqué dans une galère dont je ne soupçonnais pas l’ampleur…

Parce qu’à chaque fois que je voulais aborder un thème, il me fallait donc créer une matrice de 3 x 5, c’est-à-dire 15 documents avec du contenu pour couvrir chacun de ces niveaux. Au fil des ans, j’allais bien entendu développer une « méthode » pour y parvenir le plus efficacement possible. Elle consistait en gros à d’abord lire pendant des semaines sur la thématique en question. Puis à en discerner les phénomènes et mécanismes pour chacun des niveaux d’organisation précités. Généralement, pour les niveaux psychologiques et ceux qui étaient en-dessous ça allait assez bien. Mais c’est souvent au niveau social que je devais repartir dans mes lectures, n’étant pas sociologue de formation ! Mais j’y tenais. Car c’était l’une de mes motivations premières : montrer que derrière nos organisations et nos institutions sociales, il y a des individus avec leur psychologie propre, elle-même compréhensible à la lumière des phénomènes cérébraux, neuronaux et moléculaires sous-jacents.

Finalement, je devais essayer de trouver pour chaque niveau d’organisation quelles étaient les notions ou les concepts les plus simples pouvant être exposés au niveau débutant, comment je pouvais ensuite élaborer là-dessus au niveau intermédiaire, et comment je pouvais rentrer enfin un peu plus dans la complexité de l’affaire pour montrer au niveau avancé que « ce n’était cependant pas si simple… ».

Chaque sous-thème me prenait ainsi de 4 à 8 mois de travail, avec quelques exceptions notables comme le fameux sous-thème sur la conscience où j’ai été happé pendant près d’un an et demi dans un sujet plus grand que moi…

Bref, un beau casse-tête avec pas mal de morceaux ! Plus précisément 160 différents sujets associé à l’un des 5 niveaux d’organisation et répartis en 12 thèmes et 20 sous-thèmes. Tout cela, bien sûr, décliné en 3 niveaux d’explication différents, donc totalisant 480 pages. Plus 85 capsules, c’est-à-dire des textes indépendants pouvant se rapporter à plusieurs sujets répartis en 5 catégories. Et 8 visites guidées comme autant de trajets choisis dans le site pour répondre à des questions précises. Tout cela est détaillé dans le mode d’emploi du site ou sur le dépliant papier dont vous avez ici le recto et là le verso.

J’ai eu deux fidèles collaborateurs tout au long de cette aventure. Je ne pouvais les payer qu’une journée par semaine, mais sans eux rien de tout cela n’aurait vu le jour. Il s’agit de Patrick Robert, programmeur web, débogueur de problèmes en tout genre et artiste avec autant d’imagination pour se plier à mes demandes extravagantes que pour ses œuvres pâtissières. Il sait à quel point je l’estime pour les deux. Et Denis Paquet, graphiste, illustrateur, concepteur de toutes les animations du site. Les brouillons de figures surchargées qui reviennent top notch quelques jours plus tard, comme par magie, avec la régularité d’une horloge, c’était lui. Et ce côté hyper relaxe qui n’a pas de prix.

C’était donc toujours un bon moment pour moi quand je mettais un thème en ligne et que je me faisais prendre moi-même au jeu de la navigation par niveaux avec les deux boîtes de navigation, bien sûr, mais aussi avec tous les hyperliens permettant à tout moment de suivre le dédale de ses intérêts à la moindre expression soulignée. C’est l’un des gros avantages du World Wide Web, cette invention des hyperliens qui permettent de se rapprocher des associations d’idées que fait au fond constamment notre cerveau. Et quand la forme épouse le fond, cela fait ajoute un petit quelque chose qui fait sourire. Tout comme les recensions positives et les mentions de toutes sortes qui allaient bientôt suivre les courriels de remerciement et d’encouragement auxquels je me suis toujours fait un devoir de répondre, même brièvement.

Il y avait aussi une autre situation qui me faisait sourire : quand, en faisant mes recherches pour un thème en préparation, je googlais un mot et tombait sur une page en anglais qui l’expliquait clairement et avec la force de certaines expressions propres à cette langue avant de me rendre compte que… j’étais en train de lire l’une des pages de mon propre site traduit par Al Daigen, mon fidèle traducteur pendant toutes ces années ! Car comme j’étais financé par un institut de recherche canadien, le site se devait d’être bilingue. Al est donc devenu le style et l’âme, pour ainsi dire, du Brain from Top to Bottom, en même temps que le relecteur de la version française que je ne pouvais pas me payer ! Car ses fameuses listes de questions qu’il m’envoyait pour clarifier certains passages afin de mieux les traduire m’indiquaient souvent, justement, que le passage n’était pas clair ou que j’avais carrément fait une erreur…

Et donc pendant dix ans, avec mes trois acolytes, nous avons été financés pour enrichir le contenu du Cerveau à tous les niveaux. Avec plus d’un million de visiteurs par année et quelques années à plus de deux millions, et ce tant pour la version française que pour la version anglaise du site, on peut dire qu’on « livrait la marchandise »… Jusqu’à ce que, en 2013, sous le gouvernement conservateur de Steven Harper, quelqu’un décide que notre financement devrait cesser. Ils avaient beau reconnaître eux-mêmes la pertinence du projet encore appelé à grandir avec au moins autant de nouveaux-sous-thèmes qu’il en avait, rien n’y fit, la décision était sans appel. La science et sa diffusion ne semblait pas tomber dans les bonnes grâces de ce gouvernement…

Le blogue

Trois ans auparavant, en 2010, j’avais commencé le Blogue du cerveau à tous les niveaux (enchâssé juste en dessous du site) où je résume à chaque semaine une étude récente du vaste domaine des sciences cognitives. Je viens de regarder, et ça fait un beau chiffre rond pour le nombre de billets depuis le début : 550 avec celui-ci ! Pour trouver des sujets qui vous intéressent dans tout ça, deux outils s’offrent à vous dans la colonne de gauche du blogue : son moteur de recherche et ses archives classées par année et par mois, au bas de cette même colonne.

J’en profite ici pour remercier deux personnes clés pour ce travail. D’abord Mathieu Ménard de chez Koumbit, mon hébergeur web pour le blogue. Je ne compte plus les failles qu’il a colmaté pour que vous lisiez sur le cerveau et non sur des pubs de casino… Et encore une fois Al Daigen qui, depuis l’arrêt de notre financement, a décidé de continuer de me traduire gratuitement un billet de blogue sur deux ! Des actualités scientifiques défilent donc également sur la version anglaise du blogue grâce à lui.

Je ne pouvais donc plus créer du nouveau contenu pour le site web, mais je pouvais continuer seul à écrire mes billets de blogue. J’installai donc un système de don sur le site et la générosité des lecteurs et lectrices du site me permit de passer à travers l’année suivante. Mais comme ce n’était pas suffisant pour me permettre d’en vivre à plus long terme, c’est à ce moment que je me suis recyclé en ce qui allait devenir mon occupation principale : neurotroubadour ! 😉

Les conférences

Je préfère ce néologisme de mon cru à conférencier ou professeur parce qu’il a juste ce qu’il faut d’humilité et d’humour pour me permettre d’aborder en public des phénomènes aussi complexes que ceux associés au cerveau et à la psychologie humaine. À partir de 2014, je me suis donc mis à monter et à faire des présentations sur le cerveau et même assez vite des séries de 4 ou 8 cours totalisant parfois jusqu’à 20 heures pour des étudiant.es du collégial ou de l’université, pour le public diversifié de l’UPop Montréal, pour l’université du troisième âge, ou encore pour des profs de cégep voulant se mettre à jour en sciences cognitives avec ce que j’ai appelé mon « École des profs ». Tout cela donne lieu à de riches rencontres qui comblent la soif de partage des connaissances de votre humble neurotroubadour…

Pendant ce temps, preuve que le temps passait, la technologie Flash avec laquelle avait été construites toutes les animations du Cerveau à tous les niveaux a cessé d’être supportée par les navigateurs web, de sorte qu’on a dû toutes les convertir en courtes vidéos qui peuvent maintenant être jouées en un simple clic de souris. Un immense merci à François Chardon qui, pendant plusieurs mois, s’est acquitté méthodiquement de cette tâche avec toute la créativité qu’elle a nécessitée.

Puis vint 2020… Et avec la pandémie, la perte de tous mes contrats de cours et de conférences. Je me retrouvais donc devant rien (sauf les mesures d’aide financière d’urgence étatiques), à part bien du temps pour écrire mes billets de blogue. Bien trop de temps pour ça, en fait. C’est alors qu’un vieux projet est revenu à l’avant-scène. Celui d’un « un artéfact d’une autre époque », comme je l’ai évoqué en ouverture. Le projet, vous l’aurez deviné, d’écrire un livre sur le cerveau…

Le livre

Projet intimidant, voire même épeurant vu l’ampleur de la tâche, que je fuyais plus ou moins consciemment depuis des années, même s’il m’habitait depuis plus d’une décennie. Et cela, malgré les incitatifs de toutes sortes, y compris la proposition non sollicitée d’un premier éditeur. Mais ce n’était pas le bon, et je ne trouvais pas le bon angle non plus, demeurant trop proche de ce qu’était mon site. J’ai fini par comprendre, qu’un livre n’était pas un site web, et qu’il me fallait trouver une autre approche que mes chers différents niveaux…

Ce nouvel angle, je l’ai cherché longtemps avec un ami éditeur, le bon, cette fois, il n’y a plus de doute là-dessus. Et c’est à travers les bières qu’on a prises ensemble aux six mois pendant des années que j’ai finalement trouvé l’approche qui me motivait suffisamment pour me lancer dans cette grande aventure.

Ce livre, dont j’ai terminé le premier jet il y a un mois, on pourrait donc dire qu’il est un enfant de la Covid. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir fait ça, mais dans mon cas le long processus d’écriture est loin d’être fini ! Au bas mot, j’en ai encore pour au moins un an à peaufiner mon affaire. Mais il y a quand même maintenant quelque chose qui existe. Et qui commence à ressembler à un livre, avec un début, un milieu et une fin.

C’est pour ça que je me donne quand même le droit de commencer à vous en parler dans ce blogue, comme je le ferai plus longuement la semaine prochaine. So, stay tuned…  😉

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