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lundi, 4 août 2014
Parler-agir avec un corps-cerveau

L’été bat son plein et donne à ce blogue un peu plus de liberté côté forme. Pas d’études récents résumées ici cette semaine donc, mais trois lectures d’été avec certaines affinités, présentées à partir d’autant d’extraits.

Le premier nous rappelle ce qui a fait s’arracher les cheveux à toute une génération de scientifiques qui ne juraient que par l’approche cognitiviste en intelligence artificielle : ce que les anglo-saxons appellent le « frame problem » et qui est bien évoqué par ce passage de la page 45 du livre L’analogie au cœur de la pensée dont nous avons parlé il y a quelques semaines :

« À tout moment, nous faisons face à une nouvelle situation. En fait, la vérité est beaucoup plus complexe que cela. La vérité est que, à tout moment, nous faisons face en même temps à un nombre indéfini de situations superposées et entremêlées […] Bref, nous ne nous trouvons pas du tout face à une situation, loin de là, mais à une multitude foisonnante de situations mal définies et se chevauchant, dont aucune n’a de cadre précis, ni dans l’espace ni dans le temps. Notre pauvre cerveau assiégé est continuellement aux prises avec ce chaos imprévisible; il est toujours en train d’essayer d’interpréter ce qui l’entoure et l’envahit, de gré ou de force.
Que veut dire « interpréter » ? C’est le déclenchement automatique, l’évocation involontaire, de certaines catégories familières qui, une fois réveillées de leur état somnolent, nous aident à nous orienter vis-à-vis de ce chaos. Cela se manifeste en partie par les mots qui nous viennent à l’esprit spontanément. »

Cela se manifeste aussi, et sans doute avant tout par l’action d’un agent sur cet environnement, disent les tenants des approches incarnées en sciences cognitives, comme Evan Thompson qui vient d’accorder une entrevue de fond au site web Tricycle et qui résume l’essence de la position enactive sur la genèse du sens pour un agent plongé dans le chaos du monde :

“Embodied” means that the rest of the body, not just the brain, is crucial; “action” means that agency—the capacity to act in the world—is central. Cognition is an expression of our bodily agency. We inhabit a meaningful world because we bring forth or enact meaning. We called this view “enaction” or the “enactive approach.”
In the enactive approach, being human is a matter of inhabiting the human world of culture and shared bodily practices. Of course we need our brain to do this, but we also need that world to be in place in order for the human brain to develop properly. The brain is what philosophers call a necessary “enabling condition” for mind and meaning, while enculturation is a necessary enabling condition for the brain. What’s important is not just what is inside the brain but what the brain is inside of—the larger space of the body and culture. That is where we find mind and meaning. »

Désolé de ne pas avoir traduit, de peur d’en trahir l’esprit. Le mot esprit qui, justement, a toujours ces relents spiritualistes en français, ce que le mot «mind» contourne plutôt bien en anglais. Et ce que dit Thompson à la fin de l’extrait, c’est que le « mind » et la signification du monde pour quelqu’un ne réside pas seulement dans son cerveau mais dans l’espace offert à ce corps-cerveau dans un monde de significations partagées qu’on appelle la culture.

Partage qui est rendu possible en grande partie par les mots, et c’est là qu’on revient au langage, mais pas des mots seuls puisque c’est véritablement tout le corps qui participe à la communication langagière. On savait déjà que parler nécessite la mobilisation de nombreux muscles et que c’était déjà une forme d’action chez l’humain. On se rend maintenant compte qu’il s’agit bien davantage d’une simple analogie (pour faire un clin d’œil au premier bouquin…) et que toute communication porteuse de culture est une action portée par un corps-cerveau !

« When people communicate face to face they don’t just exchange verbal information. Rather, communication encompasses the whole body. Communication partners synchronize their body sway, and mimic or imitate each other’s body postures and actions. They produce a multitude of manual and facial gestures that help to illustrate what is being said, show how communication partners feel, or or reveal verbal deception. […] Traditionally, communication research has neglected these parts of communication using the engineering model of signal transmission as the main theoretical metaphor. This book takes a new look at recent empirical findings in the cognitive and neurosciences, showing that the traditional approach is insufficient, and presenting a new interdisciplinary perspective, the Embodied Communication perspective. »

i_lien Analogie, cœur de la pensée (L’)
i_lien L’ANALOGIE: COEUR DE LA PENSEE / Table ronde
i_lien The Embodied Mind –
An interview with philosopher Evan Thompson

a_lien Embodied Communication in Humans and Machines

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