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lundi, 29 mai 2023
Journal de bord de notre cerveau à tous les niveaux : les multiples niveaux où se font des prédictions dans notre cerveau

Étant toujours dans la phase de relecture finale de mon livre jusqu’à la fin du printemps, je continue son « journal de bord » en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Dans ce troisième encadré extrait du chapitre 8, j’approfondis un peu une étude que j’avais présentée à la fin de mon billet de blogue du 7 juin 2021 sur les multiples niveaux où se font des prédictions à chaque instant dans notre cerveau.

* * *

Dans cette étude, des sujets écoutaient plusieurs fois de suite la même scène d’un film. À la longue, leur cerveau se mettait à anticiper les scènes mais avec un degré d’anticipation différents selon les régions : le cortex visuel anticipait de 1 à 4 secondes les événements, la région médiane du cerveau de 5 à 8 secondes avant, et la partie frontale de 8 à 15 secondes avant ce qui allait se passer. Des résultats qui révèlent donc effectivement la présence d’une sorte de hiérarchie anticipatoire où les régions sensorielles semblent plus « collées » aux événements qui surviennent et les régions de haut niveau plus à un niveau d’anticipation global de ce qui va se passer. Les prédictions dans le cortex visuel peuvent par exemple aider à compléter des cercles obstrués par des lignes verticales, nous aidant à mieux voir les taches rondes du pelage d’un jaguar cachées partiellement par des herbes hautes. Et les prédictions de plus haut niveau nous aider à faire la prédiction qu’un tel gros félin, identifié par les prédictions intermédiaires du cortex occipito-temporal, pourrait bientôt bondir pour nous attaquer ! Les modèles de bas niveau dans la hiérarchie peuvent donc prédire avec précision la nature d’une entrée sensorielle simple, mais seulement quelques secondes à l’avance. Alors que les modèles causaux de haut niveau nous aident à faire des prédictions sur des temps plus long ou sur des associations causales plus complexes. Et plus l’évolution a permis l’émergence de cerveaux complexes avec de plus en plus de niveaux prédictifs sur des échelles temporelles longues, plus ces organismes ont pu être avantagés pour planifier à long terme leurs actions. Jusqu’aux humains qui, s’apercevant qu’il leur manque de l’ail pour leur sauce, vont décider d’aller à l’épicerie et ultimement en trouver dans la section des légumes.

Et la succession d’affordance pour passer de cet objectif général à l’action de mettre l’ail dans son panier d’épicerie, on peut la voir aussi comme des successions de prédictions à différents niveaux, avec en prime des données empiriques qui appuient leur manifestation dans le cerveau, comme je viens d’en parler. Ce qui m’amène à présenter deux petits schémas pour aider à visualiser tout ça.

Ils évoquent ce qui se passe quand on tient compte des colonnes corticales à différents endroits dans le cerveau, par exemple dans les régions occipitales, médianes et frontales dont on vient de parler. On va par exemple distinguer les neurones pyramidaux des couches superficielles du cortex versus ceux des couches profondes de ce colonnes, les premiers étant associés à l’erreur sur la prédiction et les seconds à la prédiction comme telle.

Pour plus de détails sur cette figure, voir ici.

Le signal d’erreur « montant » va donc des neurones superficiels d’une colonne vers les neurones profonds de la colonne située juste au-dessus dans la hiérarchie. Et le signal de prédiction des neurones profonds d’une colonne vers les neurones superficiels de la colonne située en-dessous dans la hiérarchie. Donc à chaque niveau, seuls les écarts qui n’ont pas pu être expliqués par les prédictions à ce niveau sont transmis à l’étage supérieur. Et ainsi de suite, ce qui permet d’ajuster plus finement chaque niveau à nos perceptions et aux plus hauts niveaux à optimiser nos croyances sur le monde. C’est ensuite à partir de ces nouvelles croyances, qui vont être transmises aux niveaux inférieurs par des connexions neuronales descendantes, qu’on va générer nos nouvelles prédictions, nos nouvelles façons d’anticiper ce qui risque de se passer dans le monde. En fait, c’est comme si chaque niveau est un peu « sensoriel » pour le niveau au-dessus de lui et « conceptuel » pour le niveau d’en-dessous, ces deux termes devenant plus des notions relatives qu’absolues. Selon le degré de sophistication du modèle, on peut aussi y ajouter différentes boucles de rétroaction au sein des différentes couches de chaque colonne, pour évoquer la riche connectivité à l’intérieur d’une même colonne corticale.

Pour plus de détails sur cette figure, voir ici.

 

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