Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 28 septembre 2020
Réfléchir à la science et à la psychiatrie avec deux ouvrages récents

Toujours dans ma tentative d’écrire des billets de blogue un peu moins longs afin de me laisser plus de temps pour un gros projet d’écriture, je vous propose cette semaine simplement deux livres qui ont attiré mon attention dernièrement.

Le premier est “Le goût du vrai”, petit texte que vient de publier Étienne Klein en juillet dernier chez Gallimard dans la collection Tracts. Le physicien, mais surtout ici le philosophe des sciences, y propose quelques réflexions sur notre rapport à la science que lui ont inspirées les premiers mois de la crise sanitaire mondiale. Celle-ci a exacerbé ou du moins mis en lumière certains biais cognitifs humains qui posent problème à la prise de décision éclairée par les données scientifiques disponibles. Par exemple, affirmer des choses avec aplomb sans se rendre compte qu’on est sorti de son champ de compétence. Ou encore, adhérer à telle idée sans savoir d’où elle vient, seulement par ce qu’elle nous plait et est conforme à notre système de valeur.

Klein insiste aussi sur l’importance non pas seulement d’avoir des connaissances, mais de savoir d’où elles viennent. Il avait d’ailleurs il y a quelques années réalisé une série d’entretiens avec le joli titre “Comment a-t-on su ce que l’on sait ? ”. Comment nos connaissances sur le vivant ou sur l’atome par exemple naissent-elles et finissent-elles par s’imposer ?

Lors de son passage à une émission de radio sur France Inter en juillet dernier, Klein a aussi fait une comparaison qui m’a fait sourire à propos de ce qu’on appelle le relativisme. Il dit que c’est comme le cholestérol, il y en a du bon et du mauvais ! Le mauvais c’est bien sûr de dire que tout se vaut, que mon opinion où la vôtre vaudrait aussi bien que l’état des connaissances dans un domaine scientifique donnée. Mais il y a aussi le bon relativisme, celui qui permet de comprendre qu’une découverte scientifique se fait toujours dans un contexte social et politique donné. Qu’Einstein n’aurait pas élaborer la théorie de la relativité restreinte s’il n’avait travaillé dans un bureau de brevets où il devait lire sur des inventions impliquant l’électromagnétisme, comme Klein aime à le rappeler (ou s’il était né en république d’Andorre, comme le disait Henri Laborit). C’est seulement beaucoup plus tard, si la nouvelle théorie semble bien expliquer un « petit bout du réel » (dixit Klein) et traverse l’épreuve du temps qu’elle pourra s’émanciper, si l’on peut dire, des contingences relatives qui l’ont vu naître.

* * *

L’autre bouquin s’intitule “Enactive Psychiatry” et a été publié en février dernier aux presses de l’université Cambridge. L’auteure, Sanneke de Haan, est hollandaise et travaille en philosophie de la psychiatrie. Elle s’intéresse à la manière dont nous donnons du sens aux choses et aux autres êtres humains qui nous entourent, et comment cela peut se dérégler, comme dans le cas des troubles mentaux. Dans cet ouvrage que je n’ai lu que partiellement encore, de Haan cherche à définir une approche de la psychiatrie qui serait vraiment intégrative, c’est-à-dire qui prendrait en compte autant les dimensions expérientielles, physiologiques, socioculturelles et existentielles de l’expérience humaine. Elle propose pour ce faire d’adopter une approche de la cognition incarnée, l’énaction. Proposée au début des années 1990 par Francisco Varela, le concept d’énaction met de l’avant l’autonomie de l’organisme entier qui est constamment couplé à son environnement par ses boucles sensori-motrices.

J’ai été agréablement surprise de voir que cette approche, dont j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprise ici, devient non seulement incontournable mais permet de développer des cadres théoriques susceptibles de faire avancer des disciplines fort complexe comme la psychiatrie. J’aurai peut-être l’occasion de vous en reparler, mais en attendant vous pouvez toujours aller voir ces cours que j’ai donnés ces dernières années sur ce thème :

Séance 13 (7 décembre) : Les formes « radicales » de la cognition incarnée : se servir du corps et de l’environnement pour penser (2016)

Cerveau-corps-environnement (les sciences cognitives énactives) (2017)

La philosophie de l’embodiment (2018)

Séance 8 (22 avril 2020) : Cerveau et corps ne font qu’un : origine et fonction des émotions (2020)

Le corps en mouvement | Comments Closed


Pour publier un commentaire (et nous éviter du SPAM), contactez-nous. Nous le transcrirons au bas de ce billet.