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lundi, 6 avril 2020
La santé mentale au temps du confinement

Avec les semaines de confinement qui s’accumulent et celles encore devant nous, une question vient de plus en plus à l’esprit : comment ne pas devenir fou ? J’exagère peut-être un peu, mais le fait est qu’au-delà des dangers évidents reliés à la COVID-19, les « dommages collatéraux » liés à la réduction soudaine et importante de notre vie sociale doivent être aussi considérés. Voici donc quelques pistes pour aider à préserver une bonne santé mentale malgré tout.

D’abord au niveau de la stimulation intellectuelle. Comme l’indique le site web de l’UPop Montréal :

« Le collectif de l’UPop Montréal a fait le point à propos des cours suspendus en raison de la COVID-19. Nous avons décidé de ne pas appliquer une politique unique à tous les cours, mais d’y aller au cas par cas en fonction de différents facteurs. Certaines séances seront ainsi données en ligne dans les prochaines semaines, alors qu’autres seront reportées à la session d’automne. »

En ce qui concerne le cours que j’offrais cette session, « Notre cerveau à tous les niveaux » , je vous confirme que :

« Les 3 séances restantes seront données en ligne les mercredis 22 avril, 20 mai et 17 juin, donc à un mois d’intervalle (avec possibilité de revenir au café si jamais les mesures de confinement commençaient à être levées…). Surveillez notre site web et notre page Facebook où seront données sous peu les consignes d’utilisation de la plateforme Zoom, utilisée pour donner les séances. »

J’y reviendrai donc ici la semaine prochaine avec tous les détails techniques pour tenter cette expérience à distance avec vous.

* * *

Et puis au niveau de la privation de vie sociale, et du sentiment d’inaction qui vient avec.

« Ce que nous vivons est assez particulier. Un confinement général dont on n’a pas d’exemple, sauf en temps de guerre peut-être, en certains moments des guerres du moins. Or ce n’est pas une guerre. Ce n’est même pas un confinement du type de ceux que la guerre rend nécessaire. Il s’agit plutôt d’un exercice de patience et d’endurance livré au nom d’un ennemi invisible, imperceptible. […] Il faut donc se résoudre à être là où nous sommes, plantés comme des piquets au milieu du jardin de notre quotidien. Mais comment vivre ainsi retranché, dans un tel tourment diffus et lancinant? Comment continuer d’exister tout en craignant les contacts humains, alors que même en temps de guerre, bien au contraire, il convient de compter sur des rapports chaleureux pour espérer survivre? Autrement dit, comment vivre seuls, mais tous ensemble, dans une attente sans échéance? La vie est d’ordinaire attachée à l’action. Elle est désormais liée à l’immobilité. »

Ces pensées du journaliste Jean-Francois Nadeau du journal Le Devoir, glanées sur les médias sociaux la semaine dernière, saisissent bien un danger du confinement dont on parle relativement peu en cette période de crise, celui de l’inhibition de l’action. Cette expression, que qu’utilisait Henri Laborit pour parler de « stress chronique » (et que je préfère parce que plus explicite sur ce qui se passe concrètement), désigne cet état d’attente en tension où l’on a l’impression que l’on ne peut plus rien faire devant un danger : ni fuir, ni lutter.

Or dans nos vies d’humains, ces menaces sont devenues souvent symboliques mais leurs effets sur le corps n’en sont pas moins réels. Elles déclenchent les mêmes réponses physiologiques que devant une menace physique concrète comme une bête sauvage (ce qui est arrivé durant plus de 99% de l’évolution de notre espèce) : augmentation cardio-respiratoire, réallocation des ressources sanguines aux muscles au détriment des viscères et du système immunitaire, etc. Les ressources sanguines dans le corps étant limitées, cette réallocation vers la puissance musculaire pour la fuite ou la lutte est essentielle même si elle se fait au détriment d’autres systèmes car comme on risque de se faire bouffer dans les prochaines secondes, on se fout un peu de notre système digestif ou immunitaire dans l’immédiat.

Le problème, c’est que ces remaniements vasculaires et hormonaux qui furent essentiel à notre survie, toujours présent en nous aujourd’hui, ne sont pas faits pour durer de manière chronique des jours et des jours. Par exemple lorsqu’on est confiné et anxieux devant une menace bien réelle mais invisible et diffuse comme un virus.

Il faut alors trouver un moyen de donner l’impression à notre corps qu’on agit pour faire baisser ce stress hyper néfaste pour le système immunitaire (les études là-dessus ne se comptent plus). Donc « fuir » dans l’imaginaire de toute activité qui nous passionne, ou « combattre » l’inertie en bougeant, en allant faire les courses, du vélo ou jogger (et en demeurant à 2 mètres des autres bien sûr en faisant ces activités). Et pourquoi pas ne pas faire un léger détour pour cogner chez un.e ami.e, se reculer sur le trottoir à au moins 2 mètres, et avoir une petite jase réconfortante et enrichissante avec elle ou lui en toute sécurité sous le soleil printanier ? Ça aussi c’est faire preuve d’imagination pour déjouer l’inhibition de l’action…

* * *

Et je ne suis pas le seul à attirer l’attention sur l’aspect santé mentale relié à la crise actuelle. Comme l’écrivait dans son infolettre de la semaine dernière Sébastien Bohler, le rédacteur en chef de la revue Cerveau & Psycho :

« cette période sans précédent va affecter nos émotions, nos pensées, notre santé mentale, en mettant à rude épreuve nos capacités de résilience et nos liens sociaux. C’est une épreuve humaine, et psychologique. […] Pourquoi nous pouvons devenir irritables. Pourquoi nous angoissons sur l’avenir. Ce qui change dans nos désirs, nos peurs. Ce qui peut nous emmener vers l’anxiété, parfois la dépression. Ce qui peut aussi nous rapprocher les uns des autres. Le confinement n’est pas vécu de la même manière quand on comprend ses effets sur nous, ainsi que les façons de s’en sortir. Savoir, connaître, comprendre, échanger, est ce qui nous donnera une force supplémentaire pour faire face. »

Et pour ce faire, le site web du magazine donne accès à plusieurs articles fort intéressants, notamment :

Quelles sont les conséquences psychologiques du confinement ?

S’évader malgré le confinement

Confinement : comment surmonter la solitude ?

De ce dernier, je retiens cet extrait qui montre bien les liens intimes entre système nerveux et immunitaire :

« les conséquences de l’isolement social et de la solitude sur l’organisme sont connues depuis longtemps (et on a même découvert des gènes de la solitude). Ainsi, on sait que les individus sans attaches sont davantage susceptibles d’attraper un rhume, de souffrir de dépression, de développer des troubles cardiaques, d’avoir des fonctions cognitives diminuées… En un mot, les dommages à long terme causés par la solitude sont similaires à ceux du tabagisme ou de l’obésité !

Pour terminer sur une note plus québécoise, je vous laisse avec les mots du poète David Goudreault qui lui aussi nous invite à déjouer les méfaits de l’isolement social.

Dormir, rêver..., Le corps en mouvement | Comments Closed


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