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mardi, 3 septembre 2019
Des souris et des humains qui retiennent à différents niveaux (plus un scoop!)

Comme c’est la rentrée pour plusieurs aujourd’hui, on va parler d’apprentissage et de mémoire. Mais on va en parler à deux niveaux très différents. D’abord au niveau des neurones et des groupes de neurones qui encodent nos souvenirs avec la présentation de l’article « Persistence of neuronal representations through time and damage in the hippocampus » qui vient d’être publié dans la revue Science le 23 août dernier. Et ensuite au niveau psychologique et même social avec l’annonce du lancement de la 10e année de l’UPop Montréal qui donne des cours gratuits dans les bars et les cafés. Commençons donc par les souris de l’étude avant d’arriver aux humains qui boivent en apprenant!

En fait, les souris aussi buvaient dans cette étude. Elles buvaient de l’eau sucrée (qu’elles adorent) quand elles la trouvaient quelque part le long d’un corridor de cinq pieds où des symboles étaient écrits sur les murs en guise de repères. Sauf que, et c’est là l’exploit technique de cette étude, on avait opéré les souris pour les munir d’un espèce de microscope-casque miniature capable de d’observer en temps réel l’activité des neurones des deux hippocampes de la souris. Grâce à cette imagerie au calcium déjà décrite dans ce blogue, on pouvait donc observer l’évolution de l’activité de dizaines et de dizaines de neurones en temps réel à mesure que la souris apprenait à retenir vis-à-vis quel signe on mettait l’eau sucrée.

Et ce qu’on a pu observer montre que le substrat d’un souvenir dans le cerveau, lorsque celui-ci se stabilise et persiste sur de longues périodes, correspond à l’activité synchrone d’un grand groupe de neurones et non à la connectivité accrue entre quelques neurones spécifiques. Et c’est l’une des forces de cette étude que d’avoir montré que l’activité des neurones pris individuellement varie beaucoup au fil du temps (pour continuer sans doute à faire face aux changements incessants dans l’environnement de l’animal), mais que des réseaux stabilisés se forment malgré tout au cours de l’apprentissage et montrent une grande résilience. On l’a démontré par exemple en détruisant certains neurones des hippocampes de ces souris durant l’expérience. Les neurones dont l’activité était devenue synchrone parvenaient tout de même à se réorganiser et à reformer un ensemble oscillant à l’unisson. Même chose quand l’animal était remis dans sa cage : l’activité devenait alors désynchronisée dans le réseau, mais pour se resynchroniser dès que l’animal retournait sur les lieux de son apprentissage.

Cela vient confirmer de belle façon le retour du concept « d’engramme » pour la trace d’un souvenir stabilisé dans le temps dont on avait déjà parlé ici. On voit donc que si des phénomènes de plasticité synaptique sont nécessaires à l’apprentissage tant au niveau moléculaire (récepteurs modifiés), structurel cellulaire (variation de la taille des épines dendritiques) et au niveau de l’efficacité de la connectivité entre deux neurones, c’est au niveau d’une population entière de neurones et de son activité synchronisée que l’on commence à se situer au bon niveau d’organisation pour faire des liens pertinents avec ce qu’on appelle un souvenir au niveau psychologique.

Et bien sûr entre les deux il y a le niveau cérébral, en particulier celui de l’ensemble du cortex où l’hippocampe envoie des signaux constants qui contribuent au stockage des souvenirs à très long terme. D’ailleurs, petite parenthèse, en fouillant sur le site web du CALTECH où a été réalisée cette étude, je suis tombé sur cet autre article qui date de 2016 intitulée : « Membrane Potential Dynamics of CA1 Pyramidal Neurons during Hippocampal Ripples in Awake Mice. » Elle éclaire justement cette partie du problème : comment l’hippocampe diffuse au cortex l’information pertinente à retenir à long terme. Et comme le titre l’indique, les « ripples », ces bouffées d’influx nerveux courtes mes de fréquences très élevée, semblent grandement impliquées dans le processus.

Au-delà de ce qu’on peut observer au niveau du cerveau entier, il y a ce qu’on peut ressentir au niveau psychologique en tant qu’individu. On ne peut malheureusement pas savoir « quel effet ça fait » d’être une souris de l’expérience de Walter Gonzalez décrite plus haut, mais on peut s’interroger sur les facteurs psychologiques qu’on ressent en tant qu’humain et qui peuvent influencer positivement ou négativement nos apprentissages. Le topo de dimanche dernier de l’émission radiophonique Les années lumière, qui avait attiré mon attention sur cette étude, mentionne par exemple le caractère associatif de notre mémoire, et donc l’effet facilitateur de tout le contexte qu’on peut associer à quelque chose qu’on veut retenir pour en faciliter le rappel. Connaissant maintenant, grâce à l’étude de Gonzalez et ses collègues, la nécessité d’avoir un grand nombre de neurones pour former un engramme mnésique fort et stable, on ne sera pas surpris de cette caractéristique analogue de notre mémoire au niveau psychologique.

De mon côté, j’ai parlé de ce facteur favorisant l’apprentissage et de bien d’autres à plusieurs occasions dans Le cerveau à tous les niveaux, dans ce blogue, ou encore dans mes cours incluant ceux que j’ai donnés par le passé à l’UPop Montréal. Et c’est ce qui m’amène à vous parler cette formidable initiative coordonnée par un petit collectif de bénévoles dont j’ai la chance de faire partie…

Pour souligner le début de sa dixième année, l’UPop Montréal vous invite donc à une soirée de lancement spéciale dans la très chic salle du Cabaret Lion d’Or (1676 Rue Ontario E, juste à l’ouest de Papineau). Une soirée style cabaret qui débutera à 20h (portes à 19h) le vendredi 27 septembre, le soir même de la grève mondiale pour le climat !

Pour marquer nos dix ans, nous remonterons l’histoire de l’UPop depuis ses débuts avec une brochette d’ancien.nes membres du collectif, d’ancien.nes profs, de partenaires et ami.es de l’UPop, d’artistes, etc. Et bien sûr, nous vous présenterons la programmation de cette nouvelle session d’automne 2019 avec chaque prof qui présentera brièvement son cours dans la plus pure tradition de nos lancements !

J’ai d’ailleurs un scoop juste pour vous, fidèles lecteurs et lectrices de ce blogue : je vais me compromettre une fois de plus à l’UPop pour une série de cours… j’aillais dire sur le cerveau, mais ça va être pas mal plus vaste que ça ! Je ne vous en dis pas plus pour l’instant, histoire de vous donner le goût de venir au lancement où je vais vous expliquer tout ça « live ».  😉

Et si vous hésitez encore (sachant qu’une page descriptive du cours se retrouvera au www.upopmontreal.com au lendemain du lancement), sachez que pour finir la soirée dans une atmosphère chaleureuse et festive, nous aurons l’immense plaisir d’accueillir La fanfare Pourpour pour un gros set acoustique comme elle seule sait le faire! Tout ça gratuitement, évidemment.

Donc passez le mot et arrivez tôt! En plus, les enfants sont admis!

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