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mardi, 22 mai 2018
Une nouvelle technique fait avancer notre compréhension du cerveau adolescent

Le billet de la semaine dernière attirait l’attention sur les limites, d’abord de nos sens, puis des instruments et des techniques qui nous permettent d’amasser des données sur le réel avec la démarche scientifique. On en a un bel exemple cette semaine avec cette étude publiée le 4 avril dernier et intitulée « The Integration of Functional Brain Activity from Adolescence to Adulthood ». Car c’est grâce à une nouvelle approche en imagerie cérébrale que Prantik Kundu et son équipe ont réussi à mettre en évidence ces changements importants dans la connectivité de notre cerveau quand on passe de l’enfance à l’adolescence et finalement à l’âge adulte.

Appelée imagerie par résonance magnétique fonctionnelle “multiecho” ((ME)-fMRI, en anglais), cette approche permet de contourner les limitations et les biais liés à l’utilisation de la fMRI classique dans les études neurodéveloppementales. En particulier le fait que celles-ci se référaient au cerveau adulte pour faire la « parcellation » (le découpage) des régions fonctionnelles d’intérêt, manquant ainsi potentiellement beaucoup de chose dans l’organisation propre du cerveau de l’enfant et de l’adolescent.

La technique de la fMRI est basée sur le signal BOLD (« blood oxygenation level-dependent activity ») qui est déjà fort complexe à exposer car basé à la fois sur des phénomènes de vasodilatation des capillaires cérébraux et du taux d’oxygénation du sang qui les traverse). Je ne me risquerai donc pas à entrer dans les détails de la nouvelle mouture utilisée dans cette étude. L’essentiel est de noter qu’elle permet maintenant de capter des variations du signal BOLD propre à des sujets particuliers contrairement à avant où les enregistrements de plusieurs sujets devaient être mis en commun pour en extraire des moyennes.

C’est la raison pour laquelle cette étude a pu comparer individuellement la connectivité cérébrale générale du cerveau de 51 sujets des deux sexes dont l’âge variait de 8 à 46 ans. Et cela leur a permis d’observer des changements importants dans la connectivité de ces grands réseaux neuronaux souvent associés à nos capacités cognitives générales (contrôle, attention, planification, etc.). Ils ont pu ainsi établir que le type de connectivité plus locale des jeunes cerveaux se transformait en des réseaux plus vastes et fonctionnellement distincts à mesure que l’on avance en âge. Entre l’adolescence et la cinquième décade de vie, le nombre de ces réseaux diminueraient en fait de moitié. Il semble donc y avoir des régions cérébrales (cortex dorsolatéral préfrontal, cortex pariétal et cervelet, identifiées dans l’étude) qui sont particulièrement dynamiques durant l’adolescence au moment où le jeune individu est en train de forger son estime de soi, étant très sensible aux intentions des autres et à ses performances sociales.

Voilà donc une petite brique de plus qui s’ajoute à ce work-in-progress constant de nos connaissances sur le monde complexe de la psyché humaine, et plus particulièrement son passage souvent périlleux de l’enfance à l’âge adulte.

Juste dans les derniers dix dernières années, de nombreux travaux ont permis de mieux cerner pourquoi le cerveau adolescent prend souvent des décisions pour moins « sous-optimales » en termes de blessures, de violence, d’abus de substances ou de comportements sexuels imprudents. On a proposé par exemple que le caractère extrêmement sensible du cerveau adolescent aux émotions de toutes sortes serait en partie dû à une grande réactivité aux incitatifs socio-émotionnels couplé à une immaturité des systèmes de contrôle de l’impulsivité. Dans le jargon neurodéveloppemental des neurosciences, on aurait donc affaire à un développement différentiel entre le « bottom up du système limbique » et le « top down des systèmes de contrôle et d’autorégulation ».

Différents facteurs et mécanismes intervenants dans ce modèle ont été plus récemment distingués. Que ce soit la myélinisation des longs axones du cerveau qui se terminerait aussi tard qu’à la mi-vingtaine, ou encore la prédominance des connexions synaptiques excitatrices (au glutamate) sur les connexions inhibitrices (au GABA) qui se déploient plus lentement, on voit comment l’activité cérébrale de l’adolescent est pas mal plus difficile à « tenir en laisse » que celle de l’adulte. Et on n’a même pas encore parlé des hormones

Voilà ce qui explique peut-être le titre du dernier livre audio de John Medina : The Attack of the Teenage Brain !

Du simple au complexe | Comments Closed


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