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mardi, 2 septembre 2014
Notre corps à l’origine de notre compréhension du langage

Ces jours-ci, c’est la rentrée scolaire et nos enfants découvrent l’horaire de leurs cours : français, mathématiques, éducation physique, etc. Tout cela est bien délimité dans des cases horaires bien distinctes. Mais se pourrait-il que nos capacités de compréhension langagière, sollicitées à tout moment dans une journée, prennent racine dans autre chose que dans la connaissance de la syntaxe et du vocabulaire d’une langue ? Se pourrait-il, postulat encore hérétique il y a quelques décennies, que l’objet d’étude des cours d’éducation physique et de biologie, c’est-à-dire notre corps, ait quelque chose à voir avec notre capacité de comprendre les explications des professeurs ?

Cette hypothèse, formulée au début des années 1980 par George Lakoff et Mark Johnson dans leur livre Metaphors We Live By, a lentement mais sûrement donné naissance à un domaine de recherche très actif aujourd’hui. L’article de Michael Chorost en lien ci-bas en dresse un riche portrait, soulignant dans la foulée les limites de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (résolution temporelle et spatiale restreintes, disparition d’effets notables quand on fait la moyenne des données individuelles, protocoles non uniformes selon les labos, etc.), ce qui n’est jamais de trop…

Reste que l’approche résolument anti-platonicienne ouverte par Lakoff et Johnson il y a plus de trente ans, a comme on dit « fait des petits », si l’on en juge par les nombreux groupes de recherche qui l’explorent aujourd’hui. Une approche qui s’inscrit en faux contre l’idée que le langage aurait une espèce d’autonomie logique et abstraite suffisante pour saisir le sens du monde qui nous entoure. Au contraire, on s’aperçoit de plus en plus que nos capacités cognitives sont incarnées, autrement dit que les catégories conceptuelles que l’on utilise constamment pour parler et penser sont issues des propriétés sensori-motrices du corps humain.

Et ce à quoi on assiste actuellement du côté de la linguistique, c’est à toutes sortes de travaux, notamment en imagerie cérébrale, qui montrent que lorsqu’on utilise une métaphore dans une phrase, notre cerveau active dans ses régions motrices (s’il s’agit d’une métaphore verbale, comme « prendre congé ») ou sensorielles (s’il s’agit d’une métaphore sensorielle, comme « quelqu’un de chaleureux ») des réseaux de neurones correspondants à l’action ou la perception au sens propre. Bref, nous construisons une simulation mentale et des auteurs comme  Lakoff et Vittorio Gallese, un spécialiste des neurones miroirs, pensent que l’on ne pourrait simplement pas comprendre la majorité des phrases que l’on entend si notre cerveau n’était pas constamment en train de simuler les processus sensori-moteurs proches ou lointains qu’elles évoquent.

Des modèles au niveau neuronal sont même maintenant proposés pour expliquer l’origine corporelle des métaphores. Le fait d’être cajolé pour un enfant s’accompagnant généralement de la chaleur corporelle du parent, celui-ci finirait par associer de manière durable dans ses réseaux de neurones l’affection à des sensations de chaleur, puis à des mots évoquant la chaleur.

C’est la raison pour laquelle, selon cette approche incarnée, que l’intelligence artificielle à partir de computation abstraites (sans système sensori-moteur) n’a jamais livré ses promesses en termes de compréhension du langage et de création de sens. Et c’est peut-être pourquoi il faudra sans doute un jour effacer un peu toutes ces lignes rigides qui isolent le français des disciplines corporelles dans les matières scolaires…

i_lien Your Brain on Metaphors
a_lien George Lakoff on Embodied Cognition and Language

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