Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 1 décembre 2025
Deux duos essentiels : la musique pour l’Alzheimer et le corps pour penser à des sensations

L’avantage d’être un «neurotroubadour» et de se promener de contrées en contrées avec ton petit baluchon rempli de Power Points sur le cerveau, c’est qu’un seigneur ou une gente dame peut ensuite t’envoyer un courriel… euh, pardon, un pigeon voyageur pour te signaler un article ou un film sur les neurosciences… 😉  C’est ainsi que j’ai pris connaissances des deux liens que je vous propose aujourd’hui, le premier sur un documentaire sur les effets positifs de la musique sur l’Alzheimer, et second sur le caractère «incarné» de notre cognition encore une fois démontré par la simple lecture de mots évoquant une sensation corporelle désagréable.

Le documentaire en question s’intitule donc « J’ai souvenir encore » (titre d’une belle chanson de Claude Dubois, ici mise en images) et sera diffusé demain soir mardi le 2 décembre à 20 h sur ICI Télé et ICI Tou.tv. Il est le fruit d’une initiative de l’animatrice et productrice France Beaudoin qui racontait à la radio comment elle est partie « à la rencontre de personnes aînées et de spécialistes pour révéler les bienfaits insoupçonnés de la musique dans la prise en charge de la maladie. ».

Insoupçonnés, oui et non, car on a depuis longtemps des données qui montrent les bienfaits de l’écoute musicale qui, en sollicitant de nombreuses régions corticales, peut raviver des « engrammes » mnésiques de ces pièces musicales qui y sont profondément enfouis. J’ai abordé ailleurs dans ce blogue les liens intimes qui unissent l’hippocampe et le reste du cortex en ce qui a trait au stockage et au rappel des souvenirs. Et comment après quelques mois ou années, la trace d’un nouvel apprentissage se retrouve engrammée solidement à différents endroits dans le cortex.

Or l’Alzheimer se traduite par une dégénérescence neuronale qui origine dans le lobe temporal médian, autrement dit dans l’hippocampe. C’est pour ça que les premiers symptômes sont la perte de mémoire et la désorientation spatiale, autre fonction primaire de l’hippocampe. Mais les vieux souvenirs engrammés ailleurs dans le cortex, eux, sont beaucoup moins affectés ou le sont en tout cas beaucoup plus tardivement. C’est pour ça que si on réussit à les réactiver sans passer par un indice venant de l’hippocampe (déficiente, et donc qui ne peut plus en donner spontanément comme avant), on peut retrouver ces souvenirs musicaux pratiquement intacts. Et entendre simplement ces pièces musicales qui ont marqué notre vie a exactement cet effet, celui de réactiver tous ces engrammes corticaux qui étaient toujours là, mais latents si vous voulez.

Et comme le montre le documentaire, les personnes se reconnectent alors carrément à une part d’elles-mêmes à laquelle elles n’avaient plus accès. Outre le bonheur immédiat qu’elles en retirent, on évoque dans le film des protocoles expérimentaux où l’écoute d’une heure de musique pendant trois semaines induit une connectivité cérébrale plus grande qu’avant l’expérience chez des patients Alzheimer.

Bref, il y a des approches comme celles-ci qui peuvent dès maintenant être appliquées et augmenter de beaucoup la qualité de vie de ces personnes. Et comme souvent, les institutions sont lentes à les appuyer. Il y a bien la possibilité maintenant pour les médecins de prescrire des concerts (payés) à certains endroits. Mais les instances gouvernementales demandent encore trop souvent un peu plus de « preuves » au lieu d’ouvrir sur le champ des programmes pour subventionner des musiciens (qui peinent par ailleurs trop souvent à boucler leur fin de mois) et toutes ces personnes âgées qui pourraient revivre un peu grâce à leur musique. Avec bien sûr zéro risque d’effets secondaires, contrairement à la moindre molécule pharmacologique que l’on ingère…

* * *

Pour ce qui est du second lien, les habitué.es de ce blogue ne seront pas surpris d’apprendre qu’une énième étude confirme le caractère très « incarné » de notre cognition. En fait, les résultats rapporté dans ce petit topos audio de 5 minutes sur France Culture aurait pu se retrouver à côté d’autres similaires que je cite dans la 8e rencontre de mon livre « Notre cerveau à tous les niveaux », dont l’une des approches principales, outre bien sûr une perspective évolutive très forte, c’est justement ce monter commet corps et cerveau ne font qu’un, et comment le second a besoin du premier pour penser quoi que ce soit. Donc c’est sûr que ça me fait sourire d’entendre la journaliste au style très « France Culture » parler de cognition incarnée comme d’une « nouvelle théorie » (alors que c’est devenu le cadre minimal normal de toute recherche en sciences cognitives), mais le reportage est quand même bien amené avec la chercheuse qui a mené l’expérience avec des patients en attente pour une opération pour des crises d’épilepsie, comme bien souvent dans ces cas où l’on enregistre l’activité cérébrale directement sur le cortex. Ce protocole où l’on faisait lire aux patients des verbes reliés ou non à des sensations a montré que le cortex insulaire (ou insula) s’activait dans le premier cas. Or c’est une région reconnue d’abord pour réagir à nos sensations corporelles réelles, pas à leur évocation par la lecture ! Mais on a depuis compris que pour comprendre quoi que ce soit, justement, notre cerveau va activer les mêmes régions que lorsque l’on éprouve pour de vrai ces sensations, d’où le qualificatif « d’incarné » qu’on accole à ce phénomène à défaut d’un meilleur terme (Hélène Trocme-Fabre, par exemple, n’aimait pas ce mot pour ses relents religieux ou spiritualistes).

Donc merci à Simon, un habitué de mes clubs de lecture, pour ce lien (et en passant, le prochain club est le lundi 26 janvier !).

* * *

Parlant des clubs de lecture, je termine avec un petit retour en image de celui de mardi dernier où Olivier D. Asselin et moi avons réalisé notre « fantasme » de réunir nos deux projets dans une même soirée lors de la projection de son film « La pensée machine » devant une bonne quarantaine de personnes de mon club de lecture ! Une idée qui nous était venue il y a longtemps, lors d’un bout de tournage de son film qui a servi d’ouverture à la 9e rencontre de mon livre…

Le corps en mouvement | Pas de commentaires


Pour publier un commentaire (et nous éviter du SPAM), contactez-nous. Nous le transcrirons au bas de ce billet.