lundi, 1 décembre 2025
Deux duos essentiels : la musique pour l’Alzheimer et le corps pour penser à des sensations
L’avantage d’être un «neurotroubadour» et de se promener de contrées en contrées avec ton petit baluchon rempli de Power Points sur le cerveau, c’est qu’un seigneur ou une gente dame peut ensuite t’envoyer un courriel… euh, pardon, un pigeon voyageur pour te signaler un article ou un film sur les neurosciences… 😉 C’est ainsi que j’ai pris connaissances des deux liens que je vous propose aujourd’hui, le premier sur un documentaire sur les effets positifs de la musique sur l’Alzheimer, et second sur le caractère «incarné» de notre cognition encore une fois démontré par la simple lecture de mots évoquant une sensation corporelle désagréable.
Le documentaire en question s’intitule donc « J’ai souvenir encore » (titre d’une belle chanson de Claude Dubois, ici mise en images) et sera diffusé demain soir mardi le 2 décembre à 20 h sur ICI Télé et ICI Tou.tv. Il est le fruit d’une initiative de l’animatrice et productrice France Beaudoin qui racontait à la radio comment elle est partie « à la rencontre de personnes aînées et de spécialistes pour révéler les bienfaits insoupçonnés de la musique dans la prise en charge de la maladie. ».
Insoupçonnés, oui et non, car on a depuis longtemps des données qui montrent les bienfaits de l’écoute musicale qui, en sollicitant de nombreuses régions corticales, peut raviver des « engrammes » mnésiques de ces pièces musicales qui y sont profondément enfouis. J’ai abordé ailleurs dans ce blogue les liens intimes qui unissent l’hippocampe et le reste du cortex en ce qui a trait au stockage et au rappel des souvenirs. Et comment après quelques mois ou années, la trace d’un nouvel apprentissage se retrouve engrammée solidement à différents endroits dans le cortex.
Or l’Alzheimer se traduite par une dégénérescence neuronale qui origine dans le lobe temporal médian, autrement dit dans l’hippocampe. C’est pour ça que les premiers symptômes sont la perte de mémoire et la désorientation spatiale, autre fonction primaire de l’hippocampe. Mais les vieux souvenirs engrammés ailleurs dans le cortex, eux, sont beaucoup moins affectés ou le sont en tout cas beaucoup plus tardivement. C’est pour ça que si on réussit à les réactiver sans passer par un indice venant de l’hippocampe (déficiente, et donc qui ne peut plus en donner spontanément comme avant), on peut retrouver ces souvenirs musicaux pratiquement intacts. Et entendre simplement ces pièces musicales qui ont marqué notre vie a exactement cet effet, celui de réactiver tous ces engrammes corticaux qui étaient toujours là, mais latents si vous voulez.
Et comme le montre le documentaire, les personnes se reconnectent alors carrément à une part d’elles-mêmes à laquelle elles n’avaient plus accès. Outre le bonheur immédiat qu’elles en retirent, on évoque dans le film des protocoles expérimentaux où l’écoute d’une heure de musique pendant trois semaines induit une connectivité cérébrale plus grande qu’avant l’expérience chez des patients Alzheimer.
Bref, il y a des approches comme celles-ci qui peuvent dès maintenant être appliquées et augmenter de beaucoup la qualité de vie de ces personnes. Et comme souvent, les institutions sont lentes à les appuyer. Il y a bien la possibilité maintenant pour les médecins de prescrire des concerts (payés) à certains endroits. Mais les instances gouvernementales demandent encore trop souvent un peu plus de « preuves » au lieu d’ouvrir sur le champ des programmes pour subventionner des musiciens (qui peinent par ailleurs trop souvent à boucler leur fin de mois) et toutes ces personnes âgées qui pourraient revivre un peu grâce à leur musique. Avec bien sûr zéro risque d’effets secondaires, contrairement à la moindre molécule pharmacologique que l’on ingère… (suite…)
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