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mardi, 8 août 2023
Journal de bord de notre cerveau à tous les niveaux : notre réseau cérébral de l’intéroception en comprend plusieurs autres

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Je continue cette semaine la publication du « journal de bord » de mon livre en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Je publie donc aujourd’hui un second encadré ainsi retiré du chapitre 10. Il détaille un peu les principales régions de nos grands réseaux cérébraux, comme celui de la saillance et du mode par défaut, qui eux-mêmes s’intègrent dans un « réseau de l’intéroception » encore plus vaste monitorant ce qui se passe dans le corps afin d’assurer l’équilibre de notre milieu intérieur.

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Comme principaux nœuds ou « hubs » du réseau de la saillance, on a le cortex insulaire et encore une fois, comme pour le réseau du contrôle exécutif, le cortex cingulaire antérieur, sa région dorsale en particulier.

L’activation conjointe de ces deux structures, et leurs connexions à différentes régions corticales mais aussi à plusieurs structures sous-corticales comme l’amygdale, le striatum ventral, l’aire tegmentale ventrale ou la substance noire, va nous aider à identifier ce qui a de l’importance pour nous à un instant donné, que ce soit dans l’environnement ou dans notre corps. En d’autres termes, reconnaître certaines choses surprenantes ou inattendues qui pourraient avoir un impact sur notre équilibre physiologique, soit en bien, soit en mal, et en tenir compte en recrutant les bons réseaux cérébraux pour s’occuper de cette « erreur » détectée particulièrement par le cortex insulaire antérieur.

Les scientifiques qui s’intéressent à ce genre de chose parlent aussi de « evaluation network », d’« affective network », de « multimodal integration network » ou encore de « ventral attention network ». Mais on commence aussi à parler d’un « réseau de la prédiction » et à réinterpréter le rôle du « rich club » pour unifier ces régions qui réagissent fortement quand survient des stimuli inattendus ou qui violent une régularité ou une règle qu’on avait inférée. Comme lorsqu’on présente une séquence sonore à répétition, puis tout d’un coup un son différent dans la séquence. On voit alors immédiatement apparaître sur le tracé de l’EEG une oscillation particulière qu’on appelle en anglais une « mismatch response ». Même chose lors d’erreurs pour le sens des mots, de la syntaxe, etc. On a même maintenant des modèles neuronaux crédibles qui montrent comment un « predictive coding » actif de notre cerveau semble mieux rendre compte de ce phénomène que des hypothèses plus passives, basées sur l’habituation par exemple, quoique la question soit encore débattue.

Pour ce qui est du réseau du mode par défaut, c’est un ensemble de régions cérébrales dont l’activité augmente dès qu’il n’y a rien dans notre environnement qui requiert notre attention ou une action. C’est donc un état général où l’on est tourné vers notre monde intérieur et qui semble pouvoir correspondre finalement à divers processus. Processus encore une fois étudiés par différents scientifiques qui leur donnent différents noms : « mentalizing network » ou « theory of mind network » quand on tente d’inférer les états mentaux des autres; « memory network » ou « prospection network » quand on tente de prédire le futur à partir de nos expériences passées; ou encore « empathy network », « morality network », « context network » ou le « self network » quand il s’agit plus de notre rapport aux autres et à nous-mêmes.

Notre « réseau de l’intéroception » étant très vaste, on y retrouve aussi des régions qui vont être davantage impliquées dans le monitoring de nos sensations corporelles en cherchant à y attribuer une signification émotionnelle. D’autres vont être plus orientées vers ce qui devrait être fait pour assurer l’équilibre de notre milieu intérieur : accélérer ou ralentir le rythme cardiaque et la respiration, ou bien relâcher davantage de cortisol, ou encore métaboliser plus de glucose, etc. Ce qu’une neuroscientifique comme Lisa  Barrett appelle le « body budgeting », l’art de varier nos paramètres physiologiques pour nous garder en vie. C’est beaucoup le travail de notre système hormonal, comme j’en ai déjà parlé dans ce blogue. Et aussi de notre système nerveux qui va nous permettre d’agir sur le monde en fonction aussi de ce que notre réseau de l’intéroception interprète sur l’état de notre milieu intérieur.

Ajoutez à tout ça le fait que le réseau du mode par défaut, partie prenante du réseau de l’intéroception, se superpose de façon importante à notre réseau du langage, et l’on voit à quel point toutes les facettes de notre vie intérieure sont intrinsèquement reliées. Les spécialistes des différents domaines de recherche qui s’y intéressent considèrent encore malheureusement trop souvent que des mécanismes spécifiques sont derrière la fonction qu’ils étudient. Or, il y a énormément de chevauchement de sorte que ces différentes étiquettes fonctionnelles peuvent être encore une fois plus confondantes qu’aidantes.

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