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lundi, 31 août 2020
Des bienfaits de l’art et des scientifiques artistes

Un ami me racontait récemment qu’il avait été abordé en sortant de chez lui dans le quartier Rosemont à Montréal par un homme et une femme qui lui ont fait une demande un peu étrange : accepteriez-vous que l’on vous chante quelque chose ? Un peu pressé et méfiant, mon ami accepte tout de même. Puis découvre avec joie et admiration que ses interlocuteurs sont des artistes en chant qui lui interprètent un bel air d’opéra ! Il apprendra en discutant avec eux par la suite qu’un programme spécial de subvention leur permet ainsi de recommencer à pratiquer leur art dans ce contexte de pandémie qui rend difficile la pratique des arts de la scène.

Cette anecdote m’a rappelé un article sur lequel j’étais tombé début 2020 juste avant la pandémie où pour la première fois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaissait l’art comme bénéfique pour la santé mentale et physique. Le rapport derrière ce constat examinait plus de 900 publications portant sur les liens entre les arts et la santé. Il en ressort clairement que l’art peut procurer du bien-être au sens large dès le plus jeune âge et jusqu’à la fin de la vie. Quand on est en présence d’une œuvre d’art, notre attention est portée sur l’œuvre et on oublie nos souffrances et nos anxiétés. On sécrète en même temps certaines hormones favorisant directement un sentiment de bien-être ou diminuant le stress chronique.

Les arts de la scène, les arts visuels, la littérature ou la simple fréquentation des musées ou des arts numériques en ligne pourraient aussi avoir des effets bénéfiques là où la pratique médicale habituelle n’a pu, jusqu’à présent, apporter des réponses efficaces. Ils permettraient par exemple de « gérer des problèmes de santé pénibles ou complexes comme le diabète, l’obésité ou la mauvaise santé mentale », explique le docteur Piroska Östlin dans le compte-rendu.

Sans être considéré comme un « médicament », on sait par exemple que la musique peut stimuler des fonctions cognitives comme l’attention ou la mémoire chez les personnes souffrant de démence. L’écoute de la musique ou les réalisations artistiques peuvent aussi limiter les effets secondaires des traitements contre le cancer. La danse permettait quant à elle d’améliorer de façon cliniquement significative les scores moteurs des personnes souffrant de la maladie de Parkinson.

Le musée des Beaux-Arts de Montréal et l’Association des médecins francophones du Canada travaillent même ensemble depuis 2018 pour proposer des séances d’art-thérapie à des patients atteints de différents troubles !

* * *

Des scientifiques découvrent donc les bienfaits physiologiques de l’art. Mais d’autres font aussi de l’art à partir de la science. C’est le cas du neurobiologiste et artiste visuel Greg Dunn dont j’ai déjà présenté les tableaux ici. Ceux-ci sont un étonnant amalgame entre les images précises fournies par des techniques d’imagerie des neurones et l’art du lavis japonais, aussi appelé Sumie-e.

Plus récemment, j’ai aussi découvert le formidable travail de David Goodsell qui transforme des virus mortels en splendides œuvres d’art ! Goodsell est un biologiste qui étudie la structure moléculaire des cellules au Scripps Research à San Diego, en Californie. Et les aquarelles qu’il peint avec une extrême précision représentent les molécules qui composent nos cellules ou celles des bactéries ou virus qui les attaquent constamment (comme les virus ci-dessous du HIV, de l’Ebola, du Zika ou comme les coronavirus).

Comme Greg Dunn, les données sur lesquelles il s’appuie pour peindre ses tableaux proviennent de techniques de pointe comme la microscopie électronique, la cristallographie aux rayons X ou la spectroscopy par résonance magnétique nucléaire. Le génie de Goodsell consiste à interpréter ces images de molécules parfois pas évidentes à comprendre et à nous en montrer l’enchevêtrement complexe grâce à sa palette de différents coloris (par exemple l’image en haut de ce billet représente deux synapses à deux moments différents de la transmission synaptique). Comme il le dit lui-même :

“I’m not making editorial images that are meant to sell magazines. I want to somehow inform the scientists and armchair scientists what the state of knowledge is now and hopefully give them an intuitive sense of how these things really look—or may look.”

Goodsell insiste pour dire qu’il prend forcément beaucoup de liberté artistique pour représenter ce monde microscopique. Ainsi, même si la plupart des protéines n’ont pas de couleur, il leur en attribue pour qu’on puisse bien les distinguer. Il rappelle aussi le caractère extrêmement dynamique de ce qu’il fige dans chacune de ses illustrations :

“They’re just one snapshot of something that’s intrinsically superdynamic. Every time I do a painting, the next day it’s out of date because there’s so much more data coming out.”

Des gens comme Janet Iwasa qui font de l’animation moléculaire par ordinateur considèrent Goodsell un peu comme le « père » de leur discipline en constante recherche de précision pour les molécules aux formes étranges qu’elle veut rendre accessible. Cela dit, les images générées par ordinateur ont souvent un petit quelque chose de « froid » qu’on ne ressent pas dans les œuvres de Goodsell. Je laisse Iwasa conclure de belle façon sur le thème de ce billet, soit les rapports intimes entre art et science, entre créativité et cognition :

“I like the way his paintings look like they’re created by a human being. They’re reminiscent of the fact that science is done by humans, by scientists, and it’s less something that’s a complete fact, but something we’re envisioning, a hypothesis in the human mind. The hypothesis of what’s inside a human cell is a human creation.”

Le corps en mouvement, Le développement de nos facultés | Comments Closed


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