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lundi, 6 avril 2015
La conscience comme dissolution temporaire des réseaux fonctionnels du cerveau

Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau lorsqu’on prend conscience de quelque chose ? Autrement dit, y’a-t-il une géographie des connexions neuronales propre à la prise de conscience d’un stimulus (présenté par exemple très brièvement, de sorte qu’on peut en avoir conscience ou pas)?

La question que l’on pose ici n’est pas nouvelle. Elle revient à se demander s’il y a des réseaux cérébraux particuliers qui sont essentiels à la conscience ou si celle-ci émerge de la connectivité de larges pans de nos cortex sensoriels et associatifs. C’est cette dernière approche globale qui vient de recevoir un appui avec la publication en mars dernier dans la revue PNAS d’un article intitulé Breakdown of the brain’s functional network modularity with awareness.

Ce que Douglass Godwin et son équipe ont en effet observé en analysant la connectivité fonctionnelle du cerveau de leurs sujets lorsqu’ils disaient avoir perçu consciemment une image qui leur était brièvement présentée, c’est une réduction soudaine de la modularité fonctionnelle du cerveau au profit d’une communication neuronale à grande échelle dans l’ensemble des circuits cérébraux.

Il faut peut-être rappeler ici qu’on sait qu’il n’y a pas de « centre de la conscience » dans le cerveau, pas plus qu’il n’y a de « centre de la peur » ou de quoi que ce soit d’autre. Mais il y a ce qu’on appelle des réseaux fonctionnels, c’est-à-dire 5, 10, 15 ou 20 régions qui ont tendance à modifier leur activité de concert dans certaines situations. On en connaît plusieurs et l’on a même donné des noms à certains, comme le réseau dorsal de l’attention, le réseau du contrôle, le réseau du mode par défaut, etc.

Pour prendre une analogie avec Google Map, lorsqu’on demande un trajet entre deux villes, on nous propose un trajet par certaines routes, mais souvent un ou deux chemins alternatifs plus longs par d’autres routes. Comme le réseau routier, le réseau anatomique de nos voies neuronales permet à l’influx nerveux de suivre différents trajets et l’imagerie de connectivité fonctionnelle, contrairement à des techniques d’imagerie anatomique comme l’IRM de diffusion, cherche à savoir laquelle des routes possibles prend effectivement l’influx nerveux. Et comme pour les cartes routières, on se rend compte qu’il y a en quelque sorte des circuits classiques.

Ce sont ces circuits classiques, ces « modules cérébraux » diraient certains, qui voient leur frontière s’effacer au profit d’une augmentation de la connectivité dans de vastes territoires corticaux lorsque nous percevons consciemment la présence d’un stimulus. La conscience semble donc ici être davantage une affaire symphonique que le solo d’un instrument particulier, si l’on veut faire dans la métaphore musicale.

Cela rejoint d’ailleurs assez bien certaines théories « globales » de la conscience comme celle de l’espace de travail neuronal proposée par Bernard Baars, ou encore la théorie de l’information intégrée (« Integrated Information Theory » ou IIT, en anglais) de Giulio Tononi.

Ces résultats sont aussi cohérents avec notre expérience unifiée du monde. Tout comme on n’expérimente pas un monde visuel juxtaposé à un monde auditif par exemple, l’activité cérébrale qui correspond à une perception consciente globale d’un objet correspond à une connectivité hautement multimodale, impliquant autant les régions sensorielles qu’associatives de notre cerveau. La couleur, la texture, l’odeur et le son de l’objet sont ainsi simultanément perçus.

L’approche globale de la conscience donne peut-être ici l’impression d’avoir « tout vrai » et l’approche locale « tout faux ». Ce serait oublier que rien n’est simple dans le cerveau. Et qu’une étude publiée en 2014 suggérait par exemple que le claustrum, une structure sous-corticale qui est en lien avec pratiquement toutes les régions du cerveau, pourrait agir un peu comme un interrupteur on/off avec la conscience puisque lorsqu’on stimulait électriquement cette structure, le sujet devenait instantanément inconscient…

i_lien Network theory suggests consciousness is global in the brain
i_lien State Of Mind: Network Theory Suggests Consciousness Is Global In the Brain, Rises From Cooperative Activity
a_lien Breakdown of the brain’s functional network modularity with awareness
a_lien Electrical stimulation of a small brain area reversibly disrupts consciousness

Au coeur de la mémoire | 1 commentaire


Un commentaire à “La conscience comme dissolution temporaire des réseaux fonctionnels du cerveau”

  1. DIETRE dit :

    Je suis un  » candide « , et ma question sera peut-être stupide .
    Quant un gène code pour la fabrication d’une protéine, par qui – par quoi – ce codage est-il déclenché ?
    Un besoin régulier ( toutes les X secondes ? )
    Un besoin spécifique ? …qui décide du codage ?

    Vite , sauvez-moi de l’ignorance !