Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré tous nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 22 décembre 2014
La richesse éloigne les riches de leur humanité

En ce temps des Fêtes où souvent, plus ou moins consciemment, on a en tête les équations : « Noël = cadeau », « cadeau = argent », et « argent = on en voudrait davantage », mais aussi « argent = l’une des choses les moins bien réparties sur cette planète », je tombe sur ce billet que Deric Bownds a intitulé sur son blogue : « Wealth is especially bad for the wealthy. » Ah bon ? Ce n’est pas tout le contraire que la publicité, qui nous pousse inlassablement à la consommation matérielle, nous sert jusqu’à plus soif avec son équation : « richesse matérielle = bonheur » ?

D’abord rappelons un phénomène que les psychologues connaissent depuis longtemps : l’argent, au-delà d’un certain seuil assez modeste, ne permet pas d’être plus heureux. À une exception près semble-t-il, c’est-à-dire lorsqu’on dépense notre surplus d’argent pour d’autres personnes. D’où peut-être la manne du temps des Fêtes qui joue sur ce trait de la psychologie humaine. Trait, en passant, très « relationnel », dans le sens où cela nous ramène à un impératif d’une espèce sociale comme la nôtre : créer des liens avec les autres. Fussent-ils achetés à fort prix parce qu’on ne sait pas comment les créer autrement ou fabriqués dans une usine délocalisée par des enfants comme ceux à qui on les offre…

Mais il y a mieux. Ou pire, en fait. Les résultats d’expériences démontrant que l’argent nous éloigne de notre humanité s’accumulent en effet de plus en en plus.

Et Bownds de rapporter quelques travaux assez révélateurs de Dacher Keltner et de ses collègues à l’Université de Californie à Berkeley. Ils ont par exemple observé le comportement d’automobilistes à des intersections où il y avait quatre arrêts obligatoires. Les gens qui conduisaient des voitures de luxe étaient quatre fois plus enclins à couper les autres voitures que les gens conduisant des voitures bon marché. Même phénomène observé aux traversées piétonnes : les personnes dans des voitures économiques respectaient la priorité de passage aux piétons tandis que les gens dans les voitures de luxe ignoraient les piétons 46% du temps.

Et ce peu de considération pour les autres ou pour les règlements ne se manifeste pas seulement en voiture. Ayant invité des gens de différentes classes sociales dans leur laboratoire pour divers tests, l’équipe de Keltner avait disposé à la sortie un gros pot rempli de bonbons mais avec une inscription bien en vue à côté disant que les bonbons étaient réservés aux enfants qui venaient au laboratoire. Et encore une fois, plus riche était la personne, plus elle prenait souvent malgré tout un bonbon en sortant.

D’autres études montre que la richesse s’accompagne d’une plus grande probabilité d’enfreindre le code de la route, de tricher, de commettre des vols à l’étalage ou d’être moins généreux envers ceux qui demandent la charité. Certains expliquent cela par le sentiment de liberté que procure l’argent et qui fait croire qu’on peut se passer des autres, oubliant qu’il y a des choses pour notre équilibre affectif qui s’achètent difficilement. Le fait que l’opulence amène également un sentiment de supériorité « essentialiste » (voir le 2e lien ci-bas), c’est-à-dire l’impression d’être naturellement supérieur, ne doit pas aider non plus, côté empathie….

Bref, les données de la psychologie donnent une image un peu moins enviable du psychisme des riches en tant que dignes représentant.es de notre espèce ou simplement de bons citoyen.es. Car comme toujours, tout cela est à considérer dans une perspective évolutive où l’importance des émotions pro-sociales dans une espèce interdépendante comme la nôtre n’est plus à démontrer. La compassion est même, pour des psychologues comme Dacher Keltner (voir le vidéo du 3e lien ci-bas), probablement l’un des moteurs les plus puissants de l’évolution. Comme Darwin l’avait d’ailleurs noté en proposant que les parents qui ont le plus d’empathie pour leur progéniture ont sans doute de meilleures chances qu’elle survive. Et par la suite, ces descendants transmettront à leur tour ces prédispositions à l’altruisme.

Et un siècle et demi plus tard, on commence à comprendre, comme l’explique Keltner dans sa conférence, que les gènes régulant l’expression des récepteurs à l’ocytocine s’exprimant dans les neurones de la substance grise périaqueducale des mammifères pourrait être l’une de ces unités de sélection favorisant l’empathie et, plus largement, l’altruisme, ce qui, au fond, est ce que les humains devraient être les plus fiers de célébrer durant le temps des Fêtes ! 😉

i_lien Wealth is especially bad for the wealthy.
i_lien Social Darwinism isn’t dead – the rich really do think their different…
i_lien Video : TEDxBerkeley – Dacher Keltner
i_lien How Wealth Reduces Compassion

Le bricolage de l'évolution, Que d'émotions! | Comments Closed


Pour publier un commentaire (et nous éviter du SPAM), contactez-nous. Nous le transcrirons au bas de ce billet.