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lundi, 14 septembre 2020
La richesse diminue notre empathie, même au Monopoly !

Je voudrais vous parler aujourd’hui des travaux du psychologue social Paul Piff dont les thèmes de recherche tournent autour des hiérarchies sociales, des inégalités économiques, de l’altruisme et de la coopération. Je l’ai d’ailleurs découvert grâce à son intervention dans le documentaire « Le capital au XXIe siècle », inspiré du livre du même nom de l’économiste français Thomas Piketty. Piff y explique une expérience faite avec le jeu de Monopoly qui montre des changements de comportement troublants quand une personne gagne à répétition à cause de règles biaisées en sa faveur. En clair, quand elle acquière du pouvoir. Un sujet dont j’avais déjà traité dans ce blogue en parlant des travaux de Dacher Keltner sur la manière dont la richesse éloigne les riches de leur humanité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux auteurs se rejoignent si bien puisque je découvre ce matin qu’ils ont publié de nombreux articles ensemble !

Je tombe alors sur leur site web et les articles passionnants qu’ils ont écrits au fil des dernières années. Surfant de l’un à l’autre, je me retrouve à noter des passages et des références qui s’avéreront fort utiles pour un gros projet dont je ne vous ai pas encore parlé mais qui risque de me tenir pas mal occupé pour l’année à venir. Je me contenterai de dire pour l’instant qu’il s’agit d’un projet d’écriture qui mettra en valeur, entre autres, les billets que j’écris dans ce blogue depuis maintenant dix ans ! Depuis la fin octobre 2010, je vous convie en effet à ce rendez-vous hebdomadaire où j’essaie de rendre accessible une étude récente dans le vaste champ des sciences cognitives.

Trouver l’étude en question, la comprendre suffisamment pour l’expliquer en termes simples, faire des hyperliens judicieux vers les études en questions ou vers des anciennes pages de mon site ou de mon blogue qui vont permettre de mieux les comprendre, puis faire la mise en page de l’article, tout cela me prend généralement une journée complète de travail. Une journée, je dirais, quasi bénévole, puisque les petits dons reçus sur le site ne me paient même pas au salaire minimum pour faire ça. Mais je ne m’en suis jamais plaint car ça me fait découvrir des choses fascinantes, m’aide à me garder minimalement à jour dans la jungle de tout ce qui se publie dans ce domaine chaque semaine, et me gratifie en me disant que ça aide certaines personnes à y voir plus clair (en tout cas c’est ce qu’on m’écrit parfois!).

Tout ça pour dire que le blogue me prend du temps chaque semaine, et que si je veux que mon projet avance, il me faut aussi mettre du temps dessus à tous les jours, même les lundis. Que faire alors ? Arrêter d’écrire mon billet de blogue hebdomadaire ? Ce serait me priver (et vous aussi peut-être) d’une routine qui non seulement est bonne pour le moral, mais nourrit également mon autre gros projet. Donc je ne veux pas arrêter. Mais je dois trouver une façon de vous livrer la marchandise, comme on dit, sous une forme qui me demande moins de travail que le « storytelling » de la vulgarisation scientifique que j’essaie de pratiquer (et comme l’a fait par exemple Michael Ricciardi en anglais sur ce sujet). Alors j’ai pensé à ce que fait Deric Bownds depuis des années, c’est-à-dire présenter simplement en quelques phrases l’étude qui a retenu son attention, puis en citer seulement un ou quelques extraits choisis. Avec, bien sûr, les liens vers les études en questions. Ou encore présenter, sans chercher à tout bien ficeler, les résultats de mon exploration d’un thème donné. C’est donc ce que je vais faire aujourd’hui pour inaugurer cette nouvelle forme qui n’exclut pas que je revienne à l’occasion à des récits mieux construits. J’espère que vous me pardonnerai cette petite liberté et que l’aboutissement de mon projet viendra, dans un avenir pas trop lointain je l’espère, compenser un peu. Mais c’était ça ou le stress de trop travailler ou de ne pas voir mon projet avancer. Et vous savez comment je suis en chicane contre toute forme de stress ! 😉

Pour en revenir à Paul Piff et à son jeu de Monopoly, il expose lui-même fort bien dans un TED Talk de 2013 les changements comportementaux affichés par les sujets favorisés par les nouvelles règles (plus d’argent au départ, plus de dés pour avancer plus vite et « passer Go » plus souvent, etc.) : les sujets font plus de bruit en avançant leur pion, adoptent des postures de dominance, mangent plus des bretzels mises à leur disposition, etc. Mais le plus troublant, comme le souligne Piff, c’est qu’après la partie évidemment gagnée  par eux, ils s’attribuent une bonne part du mérite de cette victoire malgré le fait qu’ils savent que les règles ont été modifiées en leur faveur ! Ça donne à réfléchir sur la suffisance affichée et le manque d’empathie de bien des millionnaires qui le sont essentiellement parce qu’ils ont hérité d’un solide capital familial, comme le démontre d’ailleurs Piketty dans son travail depuis des années. En ce sens, la finale élogieuse de Piff à l’endroit de Bill Gates dans son TED Talk m’a laissé un peu perplexe…

Le véritable espoir pour briser ce cercle vicieux de la concentration de la richesse qui prédispose encore plus à l’exploitation des moins nantis réside sans doute davantage dans des changements environnementaux capables de générer de l’empathie, et ce, plus rapidement qu’on pourrait le croire, selon les travaux de Piff et Keltner. Je vous laisse donc sur ce passage d’un article écrit en 2015 par ce duo dans le New York Times :

In still other studies, we have sought to understand why awe arouses altruism of different kinds. One answer is that awe imbues people with a different sense of themselves, one that is smaller, more humble and part of something larger. Our research finds that even brief experiences of awe, such as being amid beautiful tall trees, lead people to feel less narcissistic and entitled and more attuned to the common humanity people share with one another. In the great balancing act of our social lives, between the gratification of self-interest and a concern for others, fleeting experiences of awe redefine the self in terms of the collective, and orient our actions toward the needs of those around us.

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