Après nous avoir appuyés pendant plus de dix ans, des resserrements budgétaires ont forcé l'INSMT à interrompre le financement du Cerveau à tous les niveaux le 31 mars 2013.

Malgré nos efforts (et malgré la reconnaissance de notre travail par les organismes approchés), nous ne sommes pas parvenus à trouver de nouvelles sources de financement. Nous nous voyons contraints de nous en remettre aux dons de nos lecteurs et lectrices pour continuer de mettre à jour et d'alimenter en contenu le blogue et le site.

Soyez assurés que nous faisons le maximum pour poursuivre notre mission de vulgarisation des neurosciences dans l'esprit premier d'internet, c'est-à-dire dans un souci de partage de l'information, gratuit et sans publicité.

En vous remerciant chaleureusement de votre soutien, qu'il soit moral ou monétaire,

Bruno Dubuc, Patrick Robert, Denis Paquet et Al Daigen






lundi, 6 mai 2013
L’imagerie cérébrale sous le feu des critiques

Pour faire suite à la controverse soulevée la semaine dernière sur l’effet placebo, on pourrait faire une série complète sur les sujets faisant l’objet de grands débats en neurosciences cognitives, preuve que c’est un champ d’étude en pleine effervescence. On se contentera cette semaine de soulever seulement quelques-uns de ces débats entourant ce qui est peut-être devenu LA technique emblématique des sciences du cerveau, l’imagerie cérébrale.

L’une des critiques les plus médiatisées, de par son caractère impertinent et provocateur, fut sans doute l’histoire du saumon mort (voir le premier lien ci-bas) dont certaines régions du cerveau et de la moelle épinière s’activaient en réponse à des stimuli sociaux conçus pour des humains ! En réalité, il n’y avait évidemment pas d’activation cérébrale, mais la méthodologie et les calculs faits par l’appareil de résonnance magnétique fonctionnel (IRMf) faisaient apparaître des taches de couleur au niveau du cerveau. Alors qu’il devait servir de simple test pour calibrer les contrastes de l’appareil, le célèbre saumon mort allait devenir le caillou dans le soulier que l’IRMf traîne encore aujourd’hui. Car comment ne pas se méfier de ces « centres » qui s’allument comme par magie si même un saumon mort peut nous faire croire qu’il reconnaît des stimuli sociaux humains ?

Une autre critique notable, moins teintée d’humour mais tout aussi dévastatrice si elle s’avérait fondée, est venue d’un article de Colin Klein publié en 2010 (le deuxième lien ci-bas) où il affirme que la très grande majorité des études en imagerie cérébrale ne veulent absolument rien dire ! Il développe entre autres son argumentaire sur le fait que le cerveau serait un système à la connectivité très dense, et que dans un tel système tout changement à un endroit dans le réseau amène inévitablement des changements dans toutes les autres régions du réseau. Et comme l’IRMf ou le PET scan n’ont pas une bonne résolution temporelle, on ne pourrait pas distinguer les régions initiatrices de cet embrasement général des autres activées par la suite. D’où, pour lui, l’impossibilité d’appliquer convenablement les tests statistiques de signification dont on se sert généralement pour dire si la fluctuation d’activité neuronale dans une région du cerveau durant une tâche donnée est bien le fait de l’exécution de cette tâche.

Des philosophes des sciences comme Edouard Machery ont cependant relativisé cette critique de Klein, questionnant la pertinence de traiter le cerveau comme causalement dense, une affirmation qui fait fi d’une certaine indépendance modulaire de plusieurs circuits cérébraux. Machery réhabilite aussi les tests de signifiance que Klein considérait en terme absolu mais qu’il faut considérer, selon lui, en termes de différence d’activité relative entre les structures cérébrales. On voit comment les débats autour de l’imagerie peuvent devenir assez rapidement très techniques.

Enfin, l’une des plus récentes critiques, publiée dans Nature Reviews Neuroscience  en avril 2013 (le quatrième lien ci-bas), est plus simple à formuler : le nombre de sujets participant aux études d’imagerie cérébrale serait en général trop petit pour assurer la fiabilité du phénomène décrit. La question du traitement statistique des données refait donc rapidement surface ici. Car quand ces tests sont faits sur un petit échantillon, leur « puissance statistique » s’en trouve d’autant plus réduite. Tellement que, selon l’analyse récente menée par Katherine Button sur 48 expériences d’imagerie publiées durant l’année 2011, la plupart n’aurait une puissance statistique qu’avoisinant les 20 %. Autrement dit, il n’y aurait qu’une chance sur cinq que l’activation cérébrale suspectée soit mise en évidence de manière fiable. Bref, si les premières études d’imagerie ont pu identifier les circuits cérébraux de comportements simples avec de petits échantillons de sujets seulement, les effets recherchés aujourd’hui sont beaucoup plus subtils et nécessiteraient des échantillons autrement plus grands.

i_lienIgnobel Prize in Neuroscience: The Dead Salmon Study
a_lien Images Are Not the Evidence In Neuroimaging
a_lien Edouard Machery: Significance Testing in Neuroimagery
a_lien POWER FAILURE: WHY SMALL SAMPLE SIZE UNDERMINES THE RELIABILITY OF NEUROSCIENCE
i_lien SERIOUS POWER FAILURE THREATENS THE ENTIRE FIELD OF NEUROSCIENCE
i_lien Bémols sur le cerveau

Non classé | Comments Closed


Pour publier un commentaire (et nous éviter du SPAM), contactez-nous. Nous le transcrirons au bas de ce billet.